La quinzième édition du Medina festival vient de prendre fin aux Comores. Créé en 2005, il est devenu le rendez-vous le plus prisé en la matière. Aved des vedettes à la fois nationales et internationales.
Pour sa quinzième édition, la programmation se voulait éclectique. Saïf El-Watwane, Dadyane, Watoro ou encore B-Junior. Avec une tentative d’ouverture – qui a échoué – sur Moroni. Le grand hôtel de Maluzini devait en effet recevoir l’artiste venue de Maore – Zily – pour un show-case dînatoire. Cela n’a pas pu se faire. Mais bien qu’il n’ait pas pu honorer ce rendez-vous dans la capitale, le festival prévoit de s’étendre l’an prochain jusqu’à Fomboni. En attendant, Goulam en a profité pour renouveler sa flamme à Mutsamudu : « Cela fait trois ans que je parcours le monde, en pensant chaque jour à mes fans au pays et à ma ville natale ». Et lui comme Zily s’en sont donnés à cœur joie pour leur public à Ndzuani.
Seul bémol, l’absence des réunionnais de Natty Dread, pourtant annoncés au programme. On se souvient de leur passage à la toute première édition du festival. Cela n’empêche ! Le Medina reste ce tremplin incontournable, pour quiconque veut aller à la rencontre du public de l’archipel. En rejoignant l’affiche du festival, qui rassemble d’autres noms, issus de la scène régionale et africaine, les artistes comoriens trouvent là le meilleur moyen de se faire entendre, au niveau national. L’effet miroir est certain. « Ce rendez-vous redonne de la visibilité à des artistes, qui, d’ordinaire, sont réduits à n’exister que pour deux ou trois dates à l’année. Il n’y a pas beaucoup de diffusion pour les talents locaux. Cela coûte cher de tourner dans l’archipel. Cela demande beaucoup d’organisation, alors que le médina offre des garanties qu’on ne trouve pas ailleurs ».
A Ndzuani même, le raz de marrée en impressionne plus d’un. Le public vient des quatre coins de l’île, sans parler des vacanciers, des hôtes de passage. « Allez demander à n’importe quel épicier du coin, à Ouani ou Mutsa, si son chiffre ne double pas dans cette période. Vous seriez étonné ! C’est aussi ça le Medina, la possibilité de voir de nouveaux visages booster la petite économie locale. Mabawa, penatsi, taxi, pension… »



Zily l’autre Maore au Medina fest…
Mais quid des principaux intéressés, les professionnels de la musique ? « Le projet aurait dû évoluer depuis ses débuts. On pouvait espérer une perspective pour l’industrie du spectacle, localement. Mais rares sont les artistes qui cherchent à poser cette question ». Ibrahim, musicien, ne mâche pas ses mots. Lui qui ne rate jamais une édition du Medina est d’accord pour dire que les organisateurs « n’arrivent jamais au bout de leurs promesses ».
« Entre deux éditions, il aurait pu y avoir des formation pour les artistes et les techniciens, des projets de tournée, ne serait-ce qu’au niveau régional, des dynamiques plus élargies entre les artistes locaux, et pourquoi pas une perspective, nous situant au-delà de nos rivages », poursuit-il. A la fin de chaque édition, le rideau tombe comme un couperet cinglant. Chaque artiste rentre dans ses pénates et le public attend l’année suivante, comme pour un cirque de passage. Pourtant, le Medina est l’un des rares rendez-vous du genre à mobiliser le soutien des autorités. Pompidou, le manager du festival, le reconnaît, à commencer par le pouvoir séparatiste de Mohamed Bacar. En 2022, l’État avait soutenu le festival à hauteur de 30%, grâce à Djaanfar Salim, ministre de la culture. Mais aucune politique depuis n’est venue ensuite soutenir cette démarche. « Ce qu’on arrive à arracher est déjà pas mal. Mais c’est uniquement pour le festival, pas pour nourrir une perspective » explique un membre du staff.
A ce jour, le Medina Festival se contente de consommer l’existant. La JAF à Mutsamudu, le stade à Ouani. Le Retaj, pour cette année. Mais les projections ne vont pas au-delà. Micro ouvert, le temps du festival : on entend murmurer les artistes à l’affiche entre eux. « Il y a longtemps que le festival aurait dû générer une salle de concert digne de ce nom. Avec l’acoustique qui sied à ce genre d’événement, d’autant que les espaces qui l’accueillent, aujourd’hui, ne sont pas vraiment aux normes » tente d’articuler l’un eux. « A chaque nouvelle édition, il faut faire des pieds et des mains pour compléter le matos, qui, la plupart du temps, ces dernières années surtout, est venue de Maore. Il y a une année où ça a bloqué, parce que le matos n’est pas arrivé. On aurait aimé que le festival engendre sa propre structure, sur un plan logistique. Car cela voudrait dire que d’autres événements à Ndzuani en profiteraient. Mais force est de reconnaître que de ce côté-là, c’est zéro pour l’instant » avance une autre voix.



Goulam, l’enfant du pays sur le retour.
« Le reste de l’année, le festival pourrait œuvrer à faire tourner les artistes du coin déjà programmées par lui. A Mayotte, à la Réunion, à Madagascar. Mais on dirait que ça ne les intéresse pas. Ils se contentent de sortir le grand jeu pour cette période, où l’offre de toutes manières est réduite aux mariages. Le public a besoin de sortir, et pas que pour aller voir des mariages de famille, donc ils n’ont pas besoin d’en faire des tonnes pour la promo. Il leur suffit d’annoncer leur programme et de le respecter » déclare un autre musicien.
On se surprend à demander. A quand ce débat à visage ouvert et à mots détendus ? Nos interlocuteurs préfèrent éviter une réponse trop cinglante. Sauf un ! Il s’en excuse : « Je ne veux surtout pas donner l’impression de me plaindre. Nous sommes à l’affiche, c’est déjà pas si mal. Ce que vous dites exige que tout le monde, et pas que les organisateurs, réfléchissent ensemble. Or, s’il y a un truc qui ne fonctionne pas chez nous, c’est bien le « nous ».
Créé en 2005, le Medina festival est devenu l’un des rendez-vous les plus réguliers de l’archipel, en la matière. Il s’est tenu avec succès les années 2006-2007, a surpris son public avec le malgache Jaojoby en 2009, avec Baco Aly, le cousin mahorais, en 2012. Puis est arrivé 2013 et ses multiples difficultés, avec les éléments qui se sont déchaînés. Le temps et sa mauvaise humeur ont en effet dissuadé le public, pour cette édition, qui avait légèrement bougé, pour se tenir en octobre. En 2014, il y eut le problème du son. « On n’a pas pu compter sur Maore, cette année-là. Il fallu se débrouiller localement, et le gars qui nous fournissait le son, a cherché à nous surfacturer », s’explique Pompidou, le manager du festival, au micro de la chaîne ACMC.

L’autre affiche du Medina festival. Celle du rendez-vous manqué…
En 2016, M’toro Chamou, revenant pour la seconde fois consécutive, est tombé malade. Un désastre ! En 2019, la Covid-19 a fait son entrée en scène. Il a fallu attendre 2022, pour que la machine reparte de plus belle. 2023 est censé à présent consolider certaines attentes. Le Medina a pris de l’âge et de la hauteur. Il a passé le cap des 15 ans, comme on dit. Il a su négocier sa survie, même après le coup de feu séparatiste.
Le Médina arrive par ailleurs à travailler avec tout le monde, y compris avec un partenaire aussi controversé que la SGTM, dont le bateau – le Maria Galanta – déverse des centaines d’expulsés comoriens de Mayotte, chaque semaine, sur le port de Mutsamudu. L’an dernier, la SGTM avait ramené 40% du budget du festival. Difficile de faire mieux ! Un effort considérable, qui, ajouté au soutien de l’État (22 millions décaissés, semble-t-il, par le ministre Djaanfar Salim) et aux recettes de chaque exercice, a permis à l’édition 2023 de se tenir.
Les équipes changent, certes, mais le Medina, tient, avec son promoteur et fondateur, Mohamed Ali Mansoib alias Pompidou, à la barre. Radio Dzialandze, qui a longtemps été à ses côtés, a fini par se retirer. Mais lui, continue, en espérant construire la relève, prochaine. « J’ai rassemblé des jeunes à Ouani et à Mutsamudu autour du projet, car on ne sait jamais, il faut qu’il y ait une relève. Je suis là, je porte les choses, mais je les pousse à prendre les devant », argumente-t-il, au micro de ACMC, l’an dernier.
Med