Venu aux Comores il y a quinze jours, à l’occasion de la première édition du Badja Place, Jérôme Richer, auteur et dramaturge suisse est reparti de Moroni, ce mardi 28 novembre, après une dernière performance, commise sur la place mythique du Baïdi, à Badjanani. Reprise d’un article paru ce jeudi 1er décembre 2016 dans le journal national Al-Watwan.
L’auteur et dramaturge suisse Jérôme Richer a quitté Moroni mardi dernier. Après un séjour de deux semaines, fait d’échanges et de partage, autour de son œuvre et de la littérature suisse, avec des élèves de différents établissements scolaires, des étudiants de l’IFERE et de l’Universités des Comores (Udc), Jérôme Richer s’est produit en performance sur une petite place mythique de la médina moronienne, dite pvo Baïdi, ce dimanche. Il était accompagné d’un jeune groupe qui monte, Ukombozi. Certains des textes lus ce soir-là provenaient d’un spectacle créé en France avec Sefsaf, d’autres, des quelques jours passés à Moroni. Ainsi a-t-il évoqué les murs qui divisent, en citant notamment celui en construction de l’ambassade de France, et celui, invisible, éloignant Mayotte du reste de l’archipel. Richer a également relaté sa découverte de la maison du mercenaire Bob Denard, sise à Moroni-Sanfili, quartier où il logeait. Il a aussi développé sa métaphore de la banane, se fondant sur l’aliénation du colonisé, qui, fasciné par les merveilles de l’Europe, finit par oublier la saveur et la richesse de sa propre terre.
Avant de s’envoler vers la Suisse, Jérôme s’est confié à Al-watwan, en se montrant satisfait du travail accompli en aussi peu de jours, en particulier auprès des scolaires. « On a fait plein de choses, mais le plus important reste ce qu’on a fait avec les élèves », a-t-il déclaré, saluant l’interaction qui a animé les différents échanges. Jérôme a insisté pour montrer que les 15 jours passés dans l’archipel ont servi à ouvrir une porte. « En me produisant au quartier Baïdi, je participe à une histoire, celle de la place Baïdi », qui a longtemps accueilli des événements culturels de quartier, notamment du twarab à l’ancienne. « Je me baigne dans la culture comorienne et j’apprends », dira-t-il, mentionnant son avantage de ne pas être français, dans ce rapport entretenu avec les Comores. Richer souligne la réciprocité et le respect, qui ont prévalu dans les relations établies. Il n’était pas le « mzungu qui sait tout, et qui vient apporter la vérité aux Comoriens ». Il parlait d’une conversation libérée du poids de l’histoire récente, la coloniale, sans doute.
« Parler une langue autre que la sienne, c’est penser autrement » s’exclame Jérôme Richer, traduisant son envie de mêler les imaginaires. Ce qui rejoint ce concept, annoncé d’emblée, lors de son arrivée à Moroni : « la possibilité d’une rencontre ». Son passage aux Comores aurait pu se résumer à l’empreinte du touriste occidental dans le paysage. Il a été bien plus que cela, puisqu’il a permis à des jeunes scolaires et universitaires d’entrevoir une autre réalité de l’Europe, portée par un viscéral besoin d’humanité et de dialogue avec l’autre. On pense aux élèves qui se sont appropriés ses écrits et qui les ont lu, accompagnés par le groupe Ukombozi, aux pieds du foyer culturel de Badjanani, la semaine passée. « D’ailleurs, ces élèves ont manifesté l’envie de continuer ce chantier », entamé par Soeuf Elbadawi, dans le cadre du Badja Place, programme culturel co initié par Washko Ink. et le CCLB à Moroni. Badja place, piloté par une commission dite Undroni, a pour objet de contribuer à l’éveil culturel du quartier Badjanani en particulier, et du pays en général.
Nassila Ben Ali
Pour télécharger le supplément 9 du Muzdalifa House sur le Badja Place#1 autour du poète dramaturge suisse Jérôme Richer, cliquer ici : badjaplace1.