Après le concert de Maalesh la semaine dernière, la pièce de la troupe Houdoo a été annulée. Entre les deux, un point commun : la nationalité comorienne des artistes. Cet article est paru dans le numéro 11 du journal Kashkazi (daté du 13 octobre 2005).
Les semaines se suivent, mais ne se ressemblent pas vraiment dans le milieu culturel mahorais. Il y a quinze jours, Alpha Blondy lançait sur la scène d’Hamjago à Maore un message de paix et d’harmonie entre les peuples. Depuis, c’est plutôt le rejet de l’autre qui a réduit en poussière ces belles paroles.
Dimanche 2 octobre, l’artiste grand-comorien Maalesh, un habitué des concerts à Maore, s’était déjà vu déplacer sa représentation prévue avec la chorale de l’école de musique pour des motifs plus que… déplacés. Programmé dans la salle de délibérations du Conseil général, son concert a finalement eu lieu dans un jardin privé de Tsingoni.
Après la manifestation des sans-papiers au cours de laquelle le siège de l’UMP a été saccagé, le Service culturel aurait selon son directeur reçu des coups de fil anonymes menaçant de saboter le concert s’il avait lieu. Pour quel motif ? Maalesh est comorien. Ainsi, selon Ismaël Kordjee cité dans Tounda, l’un des auteurs de ces appels « s’opposait de manière catégorique à ce qu’un Comorien puisse offrir un concert dans l’hémicycle du Conseil général ».
Inquiets, les organisateurs de la soirée, dont Musique à Mayotte, avaient donc décidé de calmer le jeu et de déplacer le concert. Après cet « incident », Maalesh se disait très affecté. Certaines personnes proches du milieu de la culture se posent elles des questions. Toutes ne sont pas convaincues de la nécessité d’annuler cette date. En effet, si le climat était certes très tendu, il est dangereux de céder à quelques appels téléphoniques…
Mais le plus inquiétant, c’est que l’épisode s’est reproduit cette semaine. Hier soir et ce soir étaient prévues dans le cadre de Lire en fête deux représentations de la pièce Renard m’a volé par une troupe grand-comorienne, Houdoo, à M’tsapéré et Sada. Or elles ont également été annulées. A la bibliothèque départementale de prêt (BDP), qui organise cette manifestation, on dit ne pas connaître les raisons : « C’est le Service culturel qui devait s’occuper de la troupe. On nous a parlé d’appels téléphoniques comme pour Maalesh », affirme-t-on.
Ismaël Kordjee étant absent, le Service culturel n’a pas donné d’explication. On ne sait si des menaces sont la cause de cette annulation. Toujours est-il que deux artistes comoriens viennent en l’espace de deux semaines d’être « censurés » à Maore pour la simple raison qu’ils sont comoriens. Comme le dit Rafik dans son éditorial de Tounda (n°95) : « Ne nous trompons pas, l’art n’a pas de frontière ». Il aurait pu ajouter : si la culture a un rôle dans la société, c’est bien celui de rapprocher les peuples.
Rémi Carayol