On en parlait déjà depuis un moment. Ilatso vient de lancer la première version de son appli dédiée à la scène culturelle comorienne. Une appli sobre mais tout-en-un pour des smartphone déjantés. Une première…
C’est le nouveau joujou de la scène comorienne. Une appli ralliant les principaux acteurs de la culture. Avec un agenda des événements du moment et à venir, un onglet dédié au patrimoine et une place faite aux propositions qui font l’actu. Vous êtes amateur d’expo contemporaine, vous cherchez un compositeur pour la musique de votre prochain mariage, vous vous posez des questions sur une salle pour une date de concert à programmer, vous souhaitez trouver l’adresse d’un éditeur pour votre premier livre ou vous vous demandez à qui écrire à la direction nationale de la culture. Une seule adresse est à retenir sur votre mobile : walimizi.
Le nom provient d’une « tentative de récit » autour de la culture aux Comores. Le terme Walimizi, déconstruit sur le principe d’une étymologie créative, donne ulima (travail de la terre) et mizi (racine) à la base. Une manière sans doute de rappeler que la culture n’est pas que folklore (utamaduni), mais bien un travail en continu, qui ne s’arrête jamais, qui a besoin d’être réinterrogé, sans cesse. Mlimizi (singulier de walimizi) ramène à l’homme de la terre, qui a une certaine vision de sa réalité, ainsi que des capacités de se projeter dans le temps. On dit du paysan, qui sait élever ses enfants (mlezi mwema), qu’il est un bon mlimizi. Le terme diffère de mlimadji dans le sens où l’approche de ce dernier est réduite à sa seule nécessité immédiate.

Le débat reste ouvert, mais c’est bien le mot que l’association Ilatso, qui apprécie de s’amuser avec des mots anciens, a adopté pour signifier l’importance de sa première trouvaille. Une appli, développée par un jeune ingénieur du nom de En Nassim Souef, pour répondre à des nécessités culturelles. L’intellect ramené à la terre. Un peu comme la culture, définie au temps d’Aristote, entre la terre et l’esprit. La version bêta de cette appli est déjà en ligne, validée sur Playstore pour les Androïd, en attente de validation sur Applestore pour les Iphone, déjà sollicitée par les artistes et les poètes du cru. « On ressent de la méfiance chez certains, comme si l’idée n’avait jamais traversé les esprits. Il faut pouvoir s’imaginer une sorte de bangwe virtuel, permettant de savoir qui est qui dans le microcosme » confie un des usagers. « L’idée est bonne, bien qu’encore en construction. J’espère qu’ils vont l’ameliorer. Il est certain qu’il va nous rendre service ».
A l’origine, Soeuf Elbadawi, directeur des opérations pour Ilatso, rêvait de mettre en réseau la plupart des acteurs culturels en faction. « Je pensais qu’il serait cool de donner la possibilité à tout un chacun de renforcer le lien avec les autres acteurs, évoluant sur cette scène. On ne se connaît pas forcément tous dans ce milieu, bien que cet espace archipélique soit petit et contraignant. La peur de l’autre génère parfois des inquiétudes. Beaucoup vous parleront de jalousie et de rivalités, mais il faut être idiot pour ne pas comprendre que ce milieu a besoin de mettre ses efforts ensemble pour avancer. Mon idée était d’offrir un espace, certes virtuel, mais où tout le monde peut se retrouver, quel que soient les positions défendues. Les pros comme les non-pro. Le développeur de l’appli l’a ensuite fait évoluer dans le sens actuel. Je lui dis merci ».
Sur Walimizi, il y a un agenda culturel. Si vous cherchez le moyen de nourrir votre planning du moment à Moroni, Mamoudzou, Paris ou Marseille, vous n’avez qu’à taper sur l’onglet d’à côté. Et si un événement n’y figure pas, celui qui l’organise peut le rajouter, en enregistrant l’information à même l’appli et depuis son mobile. L’association récupère l’info, la trie et la remet dans l’appli. De la même manière, un artiste peut y ajouter son nom, au même titre qu’un programmateur peut y repérer des talents émergents. Chacune des fiches enregistrées donne à voir l’essentiel d’un parcours : le rôle du contact en question (auteur, plasticien, musicien), le genre auquel il se raccroche (culture urbaine, littérature orale, cinéma), ses principales références dans le métier (festival, consécration, production) et son mail. On peut même y apercevoir des liens multimédias (vidéo ou presse) pour prolonger la découverte.





On pointe quelques bugs dans la configuration actuelle. Cette version bêta va probablement être re-questionnée pour sa sortie officielle, prévue en janvier prochain. Il y a ceux qui disent qu’on doit y distinguer les lieux de diffusion (Alliance, CCAC, Foyer culturel), ranger les arts plastiques et la photo à deux endroits différents, ranger les labels, les studios et les éditeurs à une autre enseigne. Il y a ceux qui disent que les acteurs déjà inscrits devraient être classés par ordre alphabétique, mais Ilatso défend l’idée que le projet, en étant ainsi lancé, ne peut que générer des critiques notables. La version bêta va donc tourner sur une durée de trois mois, le temps d’engranger du contenu et de rendre l’appli visible à tous. En janvier, les trois partenaires déjà annoncés (la Meck, la Chambre de commerce, Nassib) vont lui donner encore plus de force de frappe. Et l’approche pourra prétendre à l’optimale…
« Pour l’instant, on travaille à interpeller l’alentour, pour que les gens saisissent l’intérêt de l’outil en lui-même. Plus tard, on pourra affiner. Il était temps que l’on retrouve le meilleur de la culture comorienne sous le même toit ». Deux onglets supplémentaires sont à remarquer, au-delà de l’annuaire et de l’agenda. On l’a évoqué plus haut. Le premier est dédié au « patrimoine ». Des images, se rapportant aux sites historiques à visiter, s’y trouvent rassemblées, avec les contacts notamment d’associatifs ou de professionnels pouvant accompagner le visiteur intéressé. On y trouve le palais Ujumbe de Mutsamudu ou la maison d’Al Habib à Itsandra. Un élément que les touristes sauront apprécier, voire l’office du tourisme. Un onglet « découverte » s’occupe ensuite de donner de la visibilité aux propositions émergeantes ou consacrées du moment. Quatre propositions par mois sont pour l’instant prévues.
Cette semaine, on a pu y voir Chiromani de Salim Mze Hamadi Moissi alias Seush (le dernier spectacle en promo du chorégraphe), Ikram Ben Chaher, un jeune guitariste que tout le monde s’arrache à Moroni (Dadiposlim, Salim Ali Amir ou encore Goulam), Miadi, le deuxième film de Mohamed Toiouil, en campagne sur les écrans de l’archipel et en France, ainsi que Soeuf Elbadawi Fragments 2003-2023, un recueil d’entretiens autour de l’artiste, paraissant aux éditions 4Etoiles. On retiendra au passage l’entrée ouverte aux artistes se réclamant de Maore dans l’annuaire. On peut y retrouver notamment le dernier clip de Mikidache. Il suffit de cliquer sur le lien contenu dans sa fiche. En s’ouvrant à tous les acteurs de l’archipel, qu’ils soient dans le pays même ou en diaspora, Walimizi, dont le logo, personnifiant le lien, est signé An-Nayim, promet de réussir possiblement ce que les politiques n’arrivent pas à faire, à savoir dresser le récit d’une culture née du vai e volta, comme le disent les ancêtres portugais.
Med
L’appli sur Googleplay sur androïd : https://play.google.com/store/apps/details?id=com.walimizi.walimizi
Sur Applestore pour Iphone : https://apps.apple.com/fr/app/walimizi/id1605646270