La République des imberbes, roman en 1985 aux éditions L’Harmattan à Paris, fit de Mohamed Toihiri, également auteur du Kaffir du Karthala, le « père » de la littérature comorienne d’expression française. Entretien paru dans le n°34 d’Al-Watwan Magazine en décembre 2013, il y a dix ans...
Vous êtes considéré comme un précurseur. Comment a-t-on accueilli votre premier roman à sa sortie ?
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’accueil a été assez difficile. Car j’ai publié ce livre en 1985, date à laquelle je me retrouvais en France. Il y a des gens qui croyaient, qui ont entendu, que je parlais d’eux dans ce livre et qui m’ont très mal accueilli. C’est une chance que je ne me sois pas fait agresser dans les bals comoriens de l’époque. Je pense que ce sont des gens qui n’ont d’abord pas lu le livre. Mais c’était aussi une grande satisfaction pour beaucoup qu’il y ait eu, pour la première fois, un roman sorti aux Comores.
Trente ans plus tard, quel est votre regard sur cette littérature ?
Cette littérature est riche. Je pense notamment à la poésie comorienne, même si on n’en parle pas beaucoup, contrairement au roman. Chacun a son style, sa spécificité. La force de la littérature comorienne se trouve dans sa diversité. Malheureusement, il y a aussi certaines faiblesses. Il faudrait peut-être aller plus loin dans la relecture, la conviction, la recherche ; il ne faudrait pas hésiter à revoir deux, trois, quatre, cinq ou même six fois, ce qu’on a écrit pour que cela ait un sens. Je ne sais pas si ce travail se fait encore dans les maisons d’édition publiant les Comores. Il y a des manques dans nos livres. Il y a des choses qui méritent d’être revues assez longuement. C’est ce qui pose problème avec certaines maisons d’éditions comoriennes qui n’ont pas le personnel nécessaire pour envisager ce travail dans sa totalité. Heureusement, cela ne concerne pas tous les livres…




Mohamed Toihiri, lors d’une rencontre au Muzdalifa House à Moroni.
A vous entendre, l’édition comorienne connaîtrait un vrai souci dans l’accompagnement des auteurs ?
Oui ! Si on pouvait améliorer les choses, ce serait bien. je suis quand m^me heureux de voir cette littérature s’épanouir. On parlait d’un roman, de deux ou trois… Maintenant, il en sort régulièrement, chaque année. On ne peut qu’être heureux puisque ça veut dire que le Comorien peut s’éditer. Il y a des gens qui publient en France, aux Comores, à Madagascar, en Egypte. C’est un mouvement à encourager.
Est-ce qu’il n’y a pas d’incongruité par rapport au fait d’écrire dans une langue que personne ne lit : langue étrangère mais aussi langue issue d’un certain registre ?
Je suis sûr que si on éditait nos livres en shikomori, le lectorat se réduirait encore davantage. Quand je lis un livre en shikomori, je mets beaucoup plus de temps que si je ne lisais mon livre en français ou en anglais. Il faudrait peut-être faire un effort dans la maîtrise de notre langue, avant de chercher à éditer des livres en langue shikomori.
Propos recueillis par Irchad O. Djoubeire