Camil le photographe

En septembre 2023, Camil Mlanao exposait son travail photographique à Paris, pour la première fois. Wallpaper – le nom du projet – célébrait les fonds d’écran. Une marque du temps qui passe. Camil ou l’histoire racontée d’un jeune comorien qui se cherche dans le vaste monde de l’image…

Camil Mlanao avait un rêve d’enfance. «  Je voulais faire de la vidéo, du montage ». Fasciné par la magie du cinéma, il s’engage dans une asso à 20 ans : « Je devais filmer des événements, participer aussi à la réalisation de courts-métrages ». Cela se passe dans son école de commerce à Rouen, où il se voit confier de petites missions. « Je devais filmer des matchs de foot, de rubgy, des soirées, qui se passaient dans l’école ». Il se rend assez vite compte que la photo l’intéresse plus. « Je demandais à suivre des événements où il y avait plutôt besoin de photographe ».

Les anciens élèves lui apprennent à régler son appareil, à gérer la lumière, à retoucher les photos. Il vit alors une période captivante, aligne les shootings, produit des portraits pour des cv de camarades : « J’ai même fait un mariage, à l’époque ». L’école finie, il prolonge son envie, s’équipe, au mieux. « A 21-22 ans, je m’achète mon premier appareil. Du coup, cet été, j’ai fait Paris en photo. De l’urbain, des bâtiments, des gens dans la rue, des lieux comme le Luxembourg, de grands espaces ». Il arpente la ville et déploie ses ailes à coup de clics. A la mi-2019, il part en Colombie, six mois de rencontres. « La première fois que je pars en voyage avec mon appareil ». Il profite de chaque occasion pour y célébrer sa passion de l’image. La côte pacifique, le désert, les Caraïbes. Il fait un tour au Mexique, où il photographie l’océan et les couchers de soleil : « Je commence à aimer la photographie de voyage ».

Puis il revient en France, où débute la pandémie, trois mois après. « 2020-2021, c’est un peu la routine, j’avoue ». Il a l’impression de ne pas bouger. « C’est pas que je stagne, mais je n’arrive pas encore à trouver mon style ». En 2022, un ami lui prête son appareil argentique. Le miracle ! « Une autre façon de faire de la photo. J’arrête de shooter à la minute ». Ce qui le change du numérique. « Comme chaque photo compte, je suis obligé de prendre mon temps, de gérer la composition, d’essayer de créer une histoire ». Chaque photo devient un récit en soi. « Ça m’a forcé à travailler les propositions ». Lui vient alors une idée. Un voyage au Maroc, en solitaire. « En Colombie, j’étais tout le temps avec les amis ». A Marrakech, il ira seul, comme à Rome et Lisbonne. Courir le monde, c’est aussi répondre à l’appel de l’inconnu…

Camil Mlanao. A l’entrée de l’expo, on remarquera le jeu des quatre chaises, comme qui dirait les quatre îles de l’Union des Comores (un clin d’oeil) ? En bas, les visiteurs de l’expo, Camil au milieu tel un poisson dans l’océan…

Au Maroc, il approfondit son art de la composition. Les gens, les moments de vie, la rue.Des paysages urbains, des bâtiments, des choses linéaires. « En gros, je prends le temps de profiter du voyage, et après quand je peux, je fais une photo ». Il n’en a que pour l’argentique. Après Marrakech en février 2023, il part à New York trois mois après, en mai. « Un voyage que je voulais faire depuis longtemps ». Les voyages et la jeunesse, on sait ce que c’est… Camil a déjà l’idée de sa première expo en tête. Des amis lui en ont soufflé l’idée. « Mais je voulais arriver avec du nouveau, des choses que je n’avais pas forcément déjà vu ». De quoi lui mettre un peu de pression dans l’aile. Ses amis pensent d’abord à une expo commune, avec d’autres photographes. « Je ne me sentais pas prêt ». Au final, ils n’ont trouvé aucun photographe, « avec qui on pouvait se mettre d’accord, sur la date, le lieu ou le thème ».

L’idée de l’expo en solo est partie de là. « Après le Maroc, je me suis dit que je pouvais vraiment le faire », d’autant que les photos faites là-bas restaient parmi ses préférées.A New York, il réfléchit à un thème. « Au départ, on voulait le faire sur mes voyages, mais il y avait des photos de Paris que j’avais envie de montrer. Ensuite, on voulait axer sur l’argentique, mais je trouvais le principe un peu trop large. Il y avait des photos en numérique que j’avais envie de montrer aussi ». Il n’a pas fallu longtemps pour que la gamberge porte se fruits : « J’ai trouvé cette idée des Wallpaper géniale ». Des fonds d’écran, une marque du temps qui passe. « Précisément sur les téléphones ! Mes photos en fond d’écran, je trouvais qu’elles passaient bien ». Rien de plus simple…

À la mi-juin, il se décide. « A partir de là, je fais de l’organisation classique, je loue l’endroit, je fais mes tirages, je commande les cadres, je communique. J’ai la chance de connaître, vu que je travaille dans la pub, le marketing, des graphistes et des directeurs artistiques. Un ami m’a fait l’affiche, et la DA avec la typo ». Il fait appel à ses amis, pour produit un livre autour de l’expo, et s’attaque ensuite aux réseaux ». Linkedin, instagram.L’expo reste un enjeu pour lui. « Rencontrer les gens que je suis et qui me suivent, montrer mes photos en grand, discuter avec eux ». Pouvoir se dire que c’est possible, « que mes photos méritent d’être exposées ». À la NEOMA – son école de commerce, 41ème rang européen, 9ème français – Camil a fait un master sur les industries culturelles et créatives. On peut trouver sa démarche quelque peu logique.

Quelques images de l’expo. Le pays et l’ailleurs…

A Paris, il est chargé de prod pour des campagnes de pub sur Eurosport. Une assurance vie, pour le moment. Mais réflexion faite, il n’aurait peut-être pas tenu longtemps dans un bureau, où on l’aurait obligé à renoncer à sa passion. D’où notre intérêt pour son parcours de miraculé. Camil a rêvé d’une possibilité en image, il l’a fait, alors qu’il aurait pu se contenter de savourer son diplôme ès commerce obtenu à Rouen. « Avant, j’étais dans une agence de pub. J’ai beaucoup été dans la télé, j’ai fait France TV, j’ai fait Altice, c’est-à-dire BFM, RMC. Là, c’est Eurosport… » Mais qui s’en plaint ? A 26 ans, Camil a de quoi voir venir. La photo, il n’en fait pas un métier. « Pour l’instant, c’est juste une expérience. On verra si je peux en vivre ».

Pour l’instant, il s’en amuse. « J’étais heureux et fier que les gens autour de moi aient apprécié ». Camil a réussi à vendre tous ses cadres affichés lors de l’expo : « J’ai vendu pas mal de tirages, j’ai eu que des compliments. Les gens étaient contents. Pour moi, ça suffit pour dire que c’est réussi ». Et les proches ? Le père, ancien musicien, le frère qui fait de la batucada : « Mes proches étaient excités quand je leur ai dit, et maintenant que je l’ai faite, ils sont hyper contents. Mon père était content que je fasse un truc que j’aime. Je leur ai envoyé des vidéos. Ma mère a aimé la salle, la déco. Ils étaient contents de voir que j’avais aussi des amis qui me soutenaient ». L’innocence du geste, la passion pour un art, l’entourage en renfort, la persévérance. L’histoire nous dira si l’on se trompe. Mais un photographe est peut-être né ce 17 septembre à Paris…

Soeuf Elbadawi

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