Portrait-express du folk-singer dans le n° 69 de Kashkazi, paru en février 2008. Un bel hommage…
Il promène dans Moroni deux des signes distinctifs qui accrochent tant son public : sa drôle de voix enrouée et sa guitare, qu’il propose dans ses moments de pessimisme de « casser et utiliser comme fagot pour faire une grosse marmite de mataba… » Il faut dire que l’heure n’est pas vraiment à la fête pour les amateurs de mélodies travaillées et de musique acoustique. « Quand tu dois organiser un concert, les choses ont changé : les gens vont aujourd’hui très peu dans un endroit pour se faire plaisir. S’ils doivent payer 500 fc pour entrer, ils se disent qu’avec ça ils pourraient s’acheter des brochettes. A côté des concerts en playback, installer une vraie sono coûte cher. »
Cela n’empêche pas Maalesh de poursuivre son bonhomme de chemin. Son style métissé, puisé aux sources des Comores mais aussi des mélodies arabes qu’il a côtoyées pendant son long séjour en Arabie Saoudite, commence à voyager hors de l’archipel. Choisi parmi 93 musiciens de la zone, il a remporté en novembre le prix Musiques de l’océan indien organisé à la Réunion par les associations Presque Bleu et Musik Océan Indien[1]. Il était lors de la finale en compétition avec un autre Comorien, le jeune Mounawar, qui représentait la Réunion où il est actuellement inscrit au conservatoire, et avec le groupe malgache Mikea.

Othman Elyas à Moroni.
« C’est une opportunité pour moi car je bénéficierai d’une promotion et je jouerai au Festival d’Angoulême, aux Francofolies de la Rochelle ou encore à la Fiesta des Sud de Marseille, ce qui me fait très plaisir car je n’ai jamais joué à Marseille. » En 1995 déjà, il remportait le prix Découverte RFI Afrique. « Mais à l’époque, je n’avais pas d’album. Je n’avais que la chanson primée qui pouvait passer à la radio. » Son premier disque, Wassi Wassi, sort en 1999.
Enregistré à Djibouti, il sera plus tard distribué sous le label Mélodie, qui lui permettra de s’exporter dans l’océan Indien et en France. Après Nawambe en 2002, un troisième est en préparation. « Les prises sont faites, il doit être mixé et devrait sortir d’ici juin. » Peu prolixe quand il s’agit de parler de la musique qu’il fait, il se contente d’un : « C’est ma musique comme je l’aime, avec toujours les mêmes instruments, plus sur ce disque un flûtiste et un violoniste. Je ne suis pas engagé dans la politique, mais engagé dans l’homme. Je continue à croire qu’on peut vivre en étant un homme, que tu n’es pas obligé de tricher, de te masquer, qu’il est possible de faire une musique qui te ressemble et pas parce que ça va te rapporter de l’argent. »
Rencontre à Moroni avec le réalisateur Eric Marion.
Aux Comores, « j’ai mon public très solidaire », même si « quand j’ai eu ce prix, personne de mon pays ne m’a dit quoi que ce soit ». « J’ai aussi un public qui me dit « Maalesh » à chaque fois que j’accompagne mes enfants à l’école… C’est un public vierge, à qui l’on devrait servir des musiques repères, car un enfant comorien a besoin de s’ouvrir. » L’absence totale de politique culturelle fait que jamais, Maalesh ou d’autres n’ont été sollicités pour travailler avec les élèves dans les écoles comoriennes. Il se rattrape à Maore, où l’association Musique à Mayotte l’invite régulièrement pour animer des stages…
« Mais chez moi, j’ai pas mal de jeunes qui passent et apprennent la musique. Celui qui apprend doit aussi apprendre aux autres. » Invité du 7 au 10 février, en compagnie de groupes mauritanien, malien, tahitien et de musiciens locaux, au festival Sauti za Busara de Zanzibar, il projette ensuite un concert sur la plage d’Itsandra. Avis à ceux qui veulent bien sacrifier leurs brochettes…
Lisa Giachino