Dadiposlim du RnB à l’afro pop le parcours

Dadiposlim a su conquérir une jeunesse en demande avec ses love song. Du RnB à l’afro pop, en passant par le twarab, il a trois albums au compteur ! L’artiste nourrit une envie pour le live et donne un supplément d’âme à sa musique, au-delà des plateformes d’écoutes.  

Le chanteur – qui s’est établi en France – avoue avoir besoin d’une connexion avec Moroni pour nourrir son inspiration. Il opte pour des allers-retours réguliers. Un budget. Mais rien ne vaut l’âme de sa vieille médina aux souvenirs d’enfance si foisonnants pour maintenir le feu de la création. C’est d’ailleurs en fouillant dans les images tapies de la vieille cité que Dadiposlim, véritable succès de la pop locale, fait remonter le récit en fragments de son arrivée en musique. C’était en 2003, avec Ikram, ami et compagnon de scène.  

« On avait un grand frère dans le quartier qui nous apprenait à jouer. On aimait bien ça. Puis on a créé Les Enfants du reggae, je crois que c’était en 2004. A ce moment-là, Ikram faisait la basse et moi, le clavier », raconte Dadiposlim. Les Enfants du reggae, orchestre de minots lancé par Zainoudine Said Mohamed Charif, alias Maître Zen, et Gormos, un ancien des Moody Blues. Rythmiques syncopées et cadences hypnotiques. Ils reprennent les succès de Bob Marley pour surprendre leur public. La célébration du 11 mai signale le début d’un petit succès dans la capitale. Puis s’ensuivent les mutations. Certains partent, d’autres arrivent. Dans le mouvement, Dadi se retrouve à la batterie et Ikram à la guitare.

Alors que la formation grandissait pour devenir Justice Band, ces amis de toujours éprouvent le besoin d’évoluer dans le son acoustique. Ils forment le dénommé Folkart, influencé par le son de Maalesh. Mais, jusque-là, en dehors des Qâsa’id entonnés au shioni, le chant n’est pas une pratique que Dadiposlim envisage. C’est sans compter sur son grand-frère, Momo Boss, membre du groupe Impoz ton style, qui, lui, découvre un potentiel à cultiver. Il l’emmène en studio pour un refrain. Naît la vocation. Ikram, quant à lui, reste fidèle à la guitare, qu’il perfectionne auprès de ses mentors.  

De l’enfance à l’adolescence…

Les influences bougent. Du reggae, Dadiposlim passe au Rnb. Craig David, Boyz II Men, Singuila, etc. Un nouveau monde s’ouvre à lui. La batterie est vite déchue de son piédestal, l’artiste se découvrant un autre talent, sa voix. Il lui restait à travailler la technique. Ikram, lui, se passionne pour la guitare de Jesse Cook et  le smooth jazz d’Earl Klugh, sans dédaigner les maîtres locaux : « j’écoutais Maalesh, Djimbo, Salim Ali Amir, beaucoup de musique locale ». Une manière aussi de se rapprocher de ceux qui peuvent lui transmettre un savoir-faire, en matière d’esthétique et de son. D’ailleurs, bien plus tard, lorsqu’il n’est pas avec Dadiposlim, Ikram fait office du sideman généreux, avec de l’or dans les mains.   

Cheikh Mc, dénicheur de talent, remarque le binôme, et décide de l’encadrer. Dadiposlim avance sous les spotlight et Ikram devient son accompagnateur. Sahil, Cheikh ou Ahmed Djaffar écrivent et arrangent pour lui. Après quelques titres, le succès est là. Cheikh Mc les embarque avec lui. « A partir de 2008, on commence à tourner dans l’archipel, et en 2011, on franchit une autre étape, on se produit en France et au Maroc », raconte Ikram. Pour Dadiposlim, Cheikh a joué un rôle catalyseur :  « Il a provoqué l’étincelle qui a fait de moi ce que je suis. Ma première chanson, il l’a écrite ». Le chanteur, qui a pris son envole depuis, avoue le consulter régulièrement : « Pour la musique, il a un flair, il sait ce qui marchera ou pas, il ne se trompe jamais »

En 2017, Dadiposlim fait le pas de s’inscrire à The Voice Africa, côté francophone, histoire de faire valoir son talent de singer. Une étape importante pour un jeune crooner en quête de légitimation. Faire la première partie de Tiken Jah Fakoly ne lui suffit visiblement pas. « The voice, ça a toujours été un rêve, inaccessible pour nous », se souvient-il. Mais le terme « Afrique » accolé au titre change tout. « Là je me suis dit go ! J’ai postulé. Et ils m’ont répondu. J’ai vendu ma moto, je suis parti au Sénégal pour faire toutes les démarches nécessaires, afin de me rendre en Afrique du sud, où se déroulait le concours ».  Sur place, il se fait coacher par Singuila et y fait la rencontre inespérée de Lokua Kanza, dont les conseils font écho à sa quête. Il atteint la finale de ce concours _  réputé internationalement. 

Trois albums et un binôme…

Après le RnB, qui constitue l’ADN de son premier album Twamaya (2015), Dadi choisit de se tourner vers les musiques africaines, dans le souci de réinterroger son identité. Aussi, il n’est pas imperméable aux recommandations des aînés qui voudraient le voir ancrer sa musique, localement. Celui qui a vécu au Sénégal tente de s’inscrire dans le sillage des artisans d’une musicalité afro, sans renoncer à sa fibre initiale. Il se raccroche aux sonorités entendues via les grands noms : Youssou Ndour, Awadi, Salif Keita, Lokua Kanza, etc. Dans Holo (2019), son deuxième disque, le cheminement est manifeste et déjà impressionnant de technicité, mais il faut attendre son troisième Mbelizi (2023), pour assister à un résultat plus probant. 

L’homme se balade avec une aisance déconcertante dans les glissements enrichis du mbalax, lévite avec la rumba congolaise, quand il n’entraîne pas ses fans dans l’irrésistible sensualité du kompa haitien. Le binôme des débuts, qui a fait du format guitare-voix sa marque de fabrique, s’élargit pour accueillir de nouveaux musiciens. Solam au clavier, Nounou à la basse, Said Omar (anciennement Nico) à la batterie et, bien sûr, Ikram à la guitare. « Je ne pourrais pas monter sur scène s’il n’est pas là, pour moi ça serait un peu bancal » confie Dadi, avant de poursuivre sur les qualités de son guitariste : « Ikram, c’est la mémoire. Il n’oublie jamais rien. Récemment, nous avons joué à Mayotte. Nous n’avions fait aucune répétition. Nous nous sommes retrouvés la veille, on a fait un petit point, et le lendemain, on était sur scène ». Et humainement ? « C’est quelqu’un de loyal, on évolue ensemble depuis bien longtemps. Notre parcours, notre amitié, ont beaucoup de valeur pour moi ». Il pointe les ruptures et les inimitiés, qui sont monnaie courante sur cette scène :« Quand tu regardes cette scène, tel musicien travaille avec untel, finalement ne s’entend plus avec la même personne… Nous, on a réussi à garder intact notre amitié ».

Et si Dadi compose pour lui, pourquoi ne le ferait-il pas pour les autres ? Il ouvre son studio doublé d’un label. Il y a là un peu du rêve du gosse, qui voulait se payer son studio pour se laisser aller à la créativité à toute heure. Le label, lui, se donne l’objectif de produire de jeunes talents voués à rayonner au-delà du pays. Une chose réalisable, mais qui demande du travail. Tout comme ce désir de voir aux Comores un concert taillé à l’image de ce qui existe déjà ailleurs, un jour. Tout cela est porté par le nom du label Twamaya, qui croit en des lendemains meilleurs : « Si je suis devenu Dadiposlim, c’est que j’ai eu des gens autour de moi qui m’ont accompagné, je pense notamment à Cheikh, mais il ne peut pas le faire pour tout le monde, il me semble logique de perpétuer le geste à mon niveau », explique-t-il.

La musique ne s’arrêtant pas au studio, Dadi voit dans le live un moyen de relancer la pratique instrumentale : « Aujourd’hui, tu vas dans certains concerts, où l’on ne fait même pas l’effort de chanter au micro, parce que c’est un disque derrière qui tourne. Et puis il n’y a plus beaucoup de musiciens. Il y a une vraie galère à s’entourer. Mon bassiste, Nounou, est engagé dans l’orchestre de l’AND, ce qui le rend moins disponible par moments » Celui qui dirige ses musiciens avec une rigueur professionnelle a du mal à imaginer la musique comorienne version « machine » : « si on ne remet pas le live au centre, les générations qui arrivent seront démunis ». Ambassadeur de l’opérateur Yas, l’artiste profite des moyens qui sont mis à sa disposition pour générer de l’impact au niveau du live. Il y a longtemps que les Comoriens ont abandonné cette exigence. Dadi s’est entouré de deux des meilleurs ingé locaux en tournée : Chebli & Ahmed Jaffar. Pour s’assurer une qualité de son à la hauteur…

Fouad Ahamada Tadjiri