Il y est surtout question de Fumboni, plus communément connue sous le nom de Fomboni. Chef-lieu de Mwali, la petite île de l’archipel des Comores, la cité côtière nous a mené jusqu’à feu Salim Djabir, sociologue féru d’histoire et d’anthropologie, aujourd’hui disparu. Un entretien où il est longuement revenu sur l’histoire mouvementée de l’île à travers la geste de Fumboni.
On connaît si peu de choses sur cette île qu’on est bien obligé de réfléchir à deux fois, avant d’affirmer quoi que ce soit. Que pourriez-vous nous raconter de Fumboni, par exemple ?
Salim Djabir Il y a un préalable à respecter ! Si je dis une chose inexacte ici, n’essayez pas de changer mon propos. Revenez me dire que vous ne l’avez pas comprise ou bien qu’elle ne s’accorde pas avec l’histoire. Je construis une réflexion, tout en transmettant un savoir. Ngamsomo na husoma. J’apprends, en enseignant. Je ne me considère pas au-dessus des autres. J’essaie juste de comprendre le monde dans lequel je vis. Certains chercheurs pensent avoir raison de tout. Je crois pour ma part que la science évolue. On peut être repris, remis en question, dans nos analyses. C’est ainsi que ça marche. Et cela me ferait énormément plaisir, si dans un an ou deux, vous me confrontiez à ce que je déclarais, précédemment. C’est dans la discussion que jaillit la lumière, dit-on. C’est un proverbe qui a toute son importance dans ces échanges.
Fumboni, des origines à nos jours, donc.
Comme nombre de cités du monde connu, Fumboni s’est construite, au fil du temps. Des hommes, partis de leurs cités d’origine, se sont retrouvés là, des débuts à nos jours, sans que ce mouvement ne s’interrompe, même une seule fois. Fumboni n’a jamais cessé d’accueillir ou d’intégrer des personnes en provenance des trois autres îles, des autres cités de Mwali ou bien venant du monde entier. C’est ainsi qu’elle s’est faite. Ses débuts ne sont pas toujours faciles à raconter. J’essaie pour ma part de situer l’origine des Comoriens, aujourd’hui. Qui sont-ils ? D’où viennent-t-ils ? A quelle époque sont-ils arrivés là ? Un travail qui n’est pas toujours évident à faire. Et je dois dire que resituer Fumboni dans l’histoire de Mwali ou de l’archipel n’est pas plus aisé.
Que ne dit pas l’histoire officielle ?
Je pense que Fumboni est apparu à une époque où Mohéli se partageait entre cinq grandes régions. Des sortes de commune, si vous voulez. Fumboni constituait une région en soi, qui allait de Ban Dar Salama – où se situe l’aéroport actuel – aux limites de la région de Mdjwayezi ou, devrions-nous dire, de Mwali Mdjini, jusqu’à Fumboni Hoani. Cette organisation de l’île remonte au 12èmesiècle de notre ère, à un moment où la population se fixait en nombre dans ce pays de marehanya. L’origine des Comores nous ramène à la Malaisie, aux bantu, aux arabes, et à bien d’autres peuples. C’est d’ailleurs ce qui m’inspire ce terme – « marehanya » -que j’assimile, conceptuellement, au fameux « melting-pot » des anglo-saxons. Nous nous inscrivons dans une véritable histoire de métissage, pour le dire autrement. Ripvahara idunia mafiha ! Nous portons le monde en nous ! Ce que beaucoup de gens ne comprennent pas toujours. Nous sommes africains, arabes, indiens, malaisiens, chinois… Toute cette humanité s’est retrouvée en ces îles, et des alliances contractées, nous sommes issus. Nous sommes un pays de marehanya. C’est comme ça que j’ai labellisé ce principe en langue shikomori. Et Fumboni n’échappe pas à cette règle.
On raconte que l’appellation « Fumboni », plus tard devenue Fomboni, viendrait de Mafumbuni.
A l’origine, cette région se constituait de plusieurs cités. Il y avait Ban dar Salama, il y avait Haïraha, Mrodewa, Kombani, Mlembeni, Mafumbuni. On pourrait, en tâtonnant un peu, se dire que le nom de Fumboni est effectivement issu de Mafumbuni. Les anciens parlent de deux communautés. Les Mafumbuni-shirazi et les Mafumbuni-dondo. Ce sont deux quartiers, qu’on situe du coté de l’actuel Comotel. Ce Fumboni-là était une cité où les gens pratiquaient les métiers de la mer. Ils étaient pêcheurs, ils fabriquaient des boutres. On parle d’une époque,, où toutes les cités autour avaient une activité spécifique. Il y avait des cités où l’on élevait des bêtes, des cités où l’on cultivait la terre. Fumboni, l’ancienne cité, se spécialisait dans son rapport àla mer. Ici à Mrodewa, par exemple, il y avait des tas d’ateliers. On y fabriquait même du tissu. Nous avons trouvé des traces de cette histoire de fabrique de tissu avec des collègues européens. Vous les retrouverez au CNDRS.

Vestiges sur la pangahari de Fumboni…
Vous avez donc trouvé trace des premiers habitants de cette région ?
Nous avons retrouvé des traces. Pas que là où se situe la cité de Fumboni. On en a trouvé du côté de Kombani, notamment. Les recherches les plus avancés nous ramènent jusqu’au 8-9èmesiècle de notre ère. Ce sont des fragments qui ont leur importance dans l’histoire. Il y a, par exemple, les tessons Huet, qui nous signalent une relation culturelle et commerciale entre la région ou l’île de Mwali avec la Chine au 9èmesiècle. On les a passé au carbone 14, sous potassium. Il y a les tessons de culture sassano-islamique, qui nous racontent les liens avec l’empire perse, qui a donné naissance à l’Irak actuel. 9èmesiècle de notre ère, toujours ! Nous avons trouvé ces traces avec mon collègue Chanudet. On a effectué pas mal de travaux ensemble, puis avec Pierre Verin, Sophie Blanchy, nos collègues malgaches, qui reviennent régulièrement travailler sur la question avec nous. RakotoarisoaJean-Aimé et bien d’autres. L’université Absalade Suède. Nous avons interrogé cette mémoire, tous ensemble.
Qu’est-ce que vous en retenez ?
Nous avons poursuivi ces recherches sur Fumboni et Mwali jusqu’à la mise en perspective des échanges liés au commerce dit des Zendji. C’est de là que vient le nom de Zanzibar. Le pays des Zendji. Des pays d’islam comme l’Irak, depuis l’ancienne Perse, jusqu’à Oman, se rendaient dans nos contrées par intérêt. Ils se rendaient jusqu’à Sofala, que nous appelons Mozambique, aujourd’hui, pour y faire du commerce, et surtout un commerce d’esclaves. Ces esclaves s’appelaient des zendji. C’était bien avant la tragédie du commerce triangulaire. On prenait part à ce commerce depuis Mwali. Ces gens y débarquaient, y faisaient du troc. Il n’y avait pas d’argent, mais ils emmenaient des marchandises – des tissus, des armes – et les échangeaient contre des esclaves. Les lieux les plus importants de ce commerce, où ce marché, je veux dire, semblait plus important, étaient Pemba et Zanzibar, d’où le nom. Les gens de l’université, avec qui j’ai travaillé ici, m’ont expliqué que Mwali pourrait avoir joué un rôle d’importance dans ce commerce. Dans ce trafic des zendji. A Fumboni, il y a une trace de cette histoire. Un nom – ha Bako Zindji – en lien avec l’endroit où débarquaient ces gens-là à l’époque. On allait les récupérer sur le Continent, à Zanzibar ou Pemba. On venait les parquer ici, pour qu’ils se remettent de la capture, si jamais ils avaient été blessés ou rendus malades, et aussi pour réparer les navires.
Est-ce que tout tournait de ce commerce ?
Non ! Il y avait aussi du bois à Mwali. Du coco que les navires venaient récupérer. Il y en avait beaucoup à Mwali. Les navires s’y ravitaillaient en eau. Il y avait pleins de rivières sur l’île. Puis ils repartaient vers la Perse, vers l’Irak. Nombre de traces ont été retrouvés en Irak, concernant des gens de Mwali ayant pratiqué ces commerce, vers les 10-12èmesiècles. Nous sommes allés jusqu’à nous relier à Kilwa, où se situe le Kenya actuel. C’était un grand sultanat, qui était en lien avec Mohéli. Nous étions une sorte de dépendance de Kilwa. Zanzibar, Pemba, Lamu sont cités comme ayant eu des échanges avec nous. Cela a bien été confirmé. Donc vous voyez comment la région de Fumboni, et plus largement Mwali, a pu exister par le passé. Comment l’histoire a commencé.
Vous avez une idée des dates ?
Il est possible, et je le crois, que les premiers habitants de Mwali remontent au 2èmesiècle après J.C. On en débat entre historiens. Mais il nous est venu un professeur de Tanzanie, le professeur Shami, qui a énormément travaillé sur l’archipel, et sur Mwali – on s’est croisé, mais on n’a pas eu le temps de collaborer – et qui, lui, a montré que l’histoire de Mwali ne pouvait s’arrêter, comme l’indiquent les écrits occidentaux, au 8-9ème siècle. Il a fait ressortir des éléments d’histoire à Hoani et à d’autres endroits de l’île, avec l’idée que le peuplement de Mwali remonte à bien plus longtemps qu’au 8èmesiècle. Il se pourrait même qu’il remonte jusqu’au 2èmesiècle après J.C. Selon moi, nous pourrions supposer que le 12èmesiècle signale un moment décisif de l’histoire de l’île. Ce serait le moment où se formalise les cinq régions. La population était nombreuse. Elle était plus armée, en termes de biens. La région de Fumboni, telle que je me l’explique, a réellement pris forme à cette époque-là. Par la suite, chacune des régions avait son organisation, mais trouvait le moyen de se lier aux autres. Les unes et les autres trouvaient matière à s’entendre. Le principe de solidarité avait du sens. Tu construisais une maison, la cité entière venait te porter main forte. Un pêcheur travaillait à construire sa pirogue, ses collègues allaient lui donner un coup main. Celui qui cultivait pouvait compter sur les apports des uns et autres. C’est ainsi qu’évoluait Mwali à l’époque, sur un principe de solidarité. Tout le monde y mettait du sien. La région de Fumboni s’inscrivait dans cette vision du monde, où le partage portait sur les communs.

Djumbe Fatima ou l’autre histoire de Mwali.
Il n’y pas eu de pouvoir centralisé à la verticale, comme on a pu le connaître dans certaines régions de l’archipel, en cette période-là de l’histoire ?
Il n’y avait surtout pas de cité-Etat, retranchée dans un coin à Mwali, même si les gens vous citeront Mwali Mdjini. Mais les cinq régions, dont je parlais, s’étaient entendues pour dire que Fumboni était la cité la plus importante. Cette vision s’est consolidée, par la suite, en partant du point de vue des us et coutumes, et non de la question du pouvoir et de sa verticalité. Il n’y avait pas de sultan à Mwali. Il y avait une toute autre manière de gérer les affaires de l’île. Je fais des conférences un peu partout dans le monde, et il est à présent admis que Djumbe Fatima reste un récit arrangeant certains historiens. A l’époque, les gens de l’île avaient une toute autre façon de voir les choses. Moi, je parle volontiers d’une île répondant au règne de Sultan Mtsambu. Je ne ramène pas notre histoire à Djumbe Fatima. Le sultan était ici inexistant, n’en déplaise aux conclusions de certains occidentaux ou de certains arabes sur la question.
Mais s’il n’y avait pas de sultan, comment l’île était régie, politiquement ?
A l’époque, les gens de Mwali se retrouvaient à l’ombre d’un sagoutier et discouraient sur leurs affaires respectives. L’assemblée présente provenait des cinq régions. Trois corps y étaient représentés. Je n’ai pas les chiffres exacts, mais il y avait là des représentants de la société coutumière, des gens issus des pratiques occultes, des gens issus du monde religieux. Chaque région se rendait à l’ombre de l’arbre-sagout pour discuter des communs à Mwali, et les gérer. Quand ils retournaient dans leurs régions respectives, ces représentants dûment mandatés par leur communauté expliquaient les décisions prises, en les faisant porter par l’arbre à l’ombre duquel ils étaient. On disait « Mtsambu préconise ceci ou défend de faire cela… » On déclarait que le sagoutier avait décidé qu’il fallait faire comme ci ou comme ça. Ce qui avait pour avantage d’éviter les dissensions entre une région et l’autre, ainsi que la surenchère. C’est ainsi que Mwali s’autogérait, sans histoires. Le règne de Sultan Mtsambu était singulier et fort, parce qu’il se réclamait de la démocratie et de décisions à caractère collégial. Les cinq régions s’y entendaient à merveille. Leur entente avait même quelque chose de magique. A l’ombre du sagoutier, les représentants prenaient leur décision, et à la population, ils disaient que c’était le Sulatn Mtsambu qui avait décidé, et qu’on ne pouvait de toutes manières remettre sa décision en question. En gros, ce n’était jamais la décision d’une personne, d’un sultan, d’une région ou d’un village.
Pour vous, cela permettait de ne pas avoir à hiérarchiser les relations entre les différentes cités.
Fumboni, Mwali Mdjini, Badje, ou encore Niumashua étaient des cités développées, notamment grâce au commerce, mais aucune d’entre elles ne prétendait à un statut au-dessus des autres. Aucune ne se prenait pour une cité de pouvoir au-dessus des autres. La notion de cité-Etat et sultanat, comme je le disais tantôt, est très récente à Mwali. Fumboni s’est nourrie de cette perspective, à un moment où les cités les plus avancées (Hairaha, Bandar Salama, Dewa, Kombani, Upvanga, Mlembeni, Mafumboni) étaient menacées par les razzias et la piraterie. D’ailleurs, Mwali a d’abord été inquiété par les voisins venus de Ndzuani – je porte leur sang dans mes veines – qui se sentaient tellement forts qu’ils n’ont pu s’empêcher d’attaquer l’île. Ils avaient un sultanat fort, surtout au 14èmeet au 15èmesiècle. Un sultanat, ralliant Sima à Moya, le Nyumakele à Domoni, jusqu’à Ouani et Mutsamudu qui deviendront. Ce n’était pas Ngazidja et ses 21 régions, qui deviendront 7 plus tard, avec le sultanat des ntibe. A Ndzuani, ils étaient parvenus à se rassembler. Et comme toute organisation politique forte, ils ont voulu se projeter ailleurs, et plus loin. Il y a une forme d’expansionnisme.
Cela rejoint d’autres histoires de par le monde.
C’est comme ça que je m’explique la plupart des guerres mondiales. A Ndzuani, ils ont cru bon de chercher à posséder les terres voisines les plus proches, à Maore et à Mwali. Ils se sont projetés dans l’idée de déposséder autrui, de l’assujettir, de lui imposer des règles de vassalité. C’est un vécu difficile, mais qui n’en reste pas moins vrai. Puis il y a eu les razzias et les pirates venus d’ailleurs. Il y en a eu de toutes sortes. Mais pour aller vite, au 17èmesiècle, les pirates européens, opérant dans les Caraïbes, se sont faits repousser de plus en plus, et ont choisi, pour certains, de venir tenter leur chance dans le Sud de l’Océan indien (souheili). J’ai analysé certains documents européens et je crois avoir compris deux ou trois choses sur ce plan. Puis il y a eu les gens de Madagascar, qui venaient ici pour piller les terres, s’emparer des gens pour en faire des esclaves, les vendre dans les Mascareignes, sur des terres où il n’y avait, parfois, personne. A la Réunion, à Maurice ou bien aux Seychelles. Les Malgaches et les Comoriens ont été par mi les premiers à s’établir sur ces terres. J’ai travaillé à Maurice et aux Seychelles, avec des Malgaches, sur cette question. Nos recherches confirment cette présence, bien avant l’arrivée des indiens et des chinois dans ces îles.

Vue intérieure de la première mosquée de vendredi à Fumboni.
Comment s’est protégée la petite île contre ces incursions ?
Cette histoire nous est tombée dessus avec beaucoup de violence. Après s’être longtemps confronté ceux de Ndzuani, les gens de Mwali, épuisés, sont allés demander de l’aide à Ngazidja. Auprès du ntibe Mlanao, je crois bien, au 16èmesiècle. Deux territoires ont embrassé leur cause : l’un, voisin, du Mbadjini, et l’autre, de l’Itsandra. Ces territoires ont envoyé des gens à Mwali, qui ont fondé quatre cités, afin de défendre l’île, tout en s’adonnant à d’autres activités, à la pêche notamment. C’était à Itsamia, à Mbwangoma, à côté, à Mbatse Nkuu et à Miringoni. Mwali en a profité pour se réorganiser.
Toujours pour mieux se protéger ?
Il y avait des pratiques bien établies, d’après mes sources. Quand les gens de Mwali se rendaient compte qu’ils risquaient le pire avec les pirates, ils désertaient les cités, s’en allaient, laissaient tout derrière eux. Les pirates eux, savaient comment aborder l’île, grâce à leur lecture précise des cartes du monde. Ils savaient où trouver leurs proies, où se ravitailler, dans quelle cité. Comme les gens de l’île ont fini par intégrer cette donnée, ils se disaient qu’il valait mieux quitter la cité, pour éviter les attaques. Il y avait une deuxième pratique : on abandonnait une cité, lorsque le sang y avait coulé à la suite d’une bataille ou d’un affrontement rude, comme pour exorciser le fait. Autre facteur à l’époque, celui concernant les épidémies. Une situation de choléra, par exemple, faisait fuir la population. Comme il n’y avait pas de médecins, le sorcier conseillait à tous de partir et de renoncer à leurs cités. Certains des lieux dont je vous parlais ont été ainsi délaissés, au profit de Fumboni où tout le monde est venu se rassembler.
Pourquoi Fumboni ?
Cette cité permettait de voir débarquer les navires, de maitriser les risques d’invasion et de mieux affronter l’ennemi, à l’inverse de Hairaha ou Nyumbakuni, où on ne pouvait faire face à l’adversité, en étant si peu nombreux. Ce mouvement a ensuite concerné toute l’île. Les gens de Hanyamwada, de Mbadje, de Mbadadjuu, de Sambani, de Niumashua, de Mledjele ou de Mfunge ont tous compris. Ils sont venus à Fumboni, avec l’idée de renforcer leurs liens et de mieux se défendre. Ils avaient cette conviction de se rendre plus forts, en étant ensemble, pour mieux organiser leur défense. Cette dynamique rassembleuse de toutes le cités supposait que l’on célèbre les rites ensemble et que l’on érige des remparts de protection. Il y a eu d’autres histoires, avec d’autres gens partis sur d’autres régions, mais c’est de cette manière que Fumboni se renforce au 16èmesiècle contre les attaques des pirates et consorts, qu’ils viennent des Caraïbes, d’Europe ou de Madagascar.
Quelle était la stratégie pour Fumboni ?
La population avait deux façons de se défendre. Il y avait l’érection des remparts autour de la cité elle-même. La mise en place d’une muraille de protection. Puis il y avait la construction d’une autre cité – fortifiée – dans les hauteurs, dans un lieu appelé Bandamale, sur le mont de wanaMalungu. Tout le monde ne connaît pas cette partie de l’histoire. Mais il y avait cette grande idée que les gens auraient un endroit où se réfugier, si jamais les remparts de Fumboni, Hanywa Mwada ou Niumashua tombaient. Cette alternative n’a existé qu’ici à Mwali dans l’archipel. L’invention d’un lieu de résistance, où se tiendraient les réunions secrètes et où l’on pourrait se réfugier, en cas de situation extrême. De tous les coins de l’île, tu avais la possibilité de t’y rendre. Si tu y parvenais, tu étais sauvé. De Fumboni, on rejoignait cet endroit tenu secret par un sentier, tenu secret, également. De Niumashua, tu remontais vers les hauteurs, de Djando, tu passais par la rivière dites des insurgés ou rebelles _ Mro wa watoro, Les gens savaient par quels sentiers rejoindre la cité fortifiée de naMalungu. C’est dans cette perspectiven que Fumboni s’est vraiment construite. Après, il y a eu les forages de puits, la construction de la première grande mosquée de vendredi, qui a été remplacé depuis peu, et la cité a continué de croître jusqu’à la mise en place du anda na mila, qui a saingularité ici, puisque la volonté des gens de Mwali d se retrouver à Fumboni s’incarne également dans ces usages coutumiers. Le shungu dans l’île ne ressemble pas à ce qui se fait à Ngazidja, dans le Mbadjini, à Itsandra ou à Djoumwamdji et Badjanani à Moroni. Non ! Les gens à Mwali ont pensé qu’il y avait matière à renforcer leurs liens dans le mariage, en pratiquant le même anda, même si celui-ci ne concernait que les hommes libres et les nobles.
Propos recueillis par Soeuf Elbadawi
Salim Djabir est décédé le 21 juin 2020.