Situé à Moroni dans le quartier Sanfil’iho Hankunu, sur la route dite d’Elbaq, le Muzdalifa House se vit comme le laboratoire d’une culture citoyenne émergente, empruntant à des formes d’expression nouvelle aux Comores.
Le Muzdalifa House est un lieu d’expérimentation artistique et d’agitation citoyenne, ouvert en 2009 à Moroni par Washko Ink. Il a été créé à la suite d’une réaction politique violente de la part des autorités culturelles françaises aux Comores, interdisant à l’un de leur partenaire, l’auteur et artiste Soeuf Elbadawi, de s’exprimer sur la question coloniale dans son propre pays, alors même que cette question y explique nombre de dysfonctionnements, aujourd’hui. L’ouverture du Muzdalifa House a permis d’initier un débat sur les capacités et les limites organisationnelles de la scène culturelle émergente.
Workshop animé par les réunionnais d’Ibao avec de jeunes comédiens comoriensEn dehors d’une action culturelle menée par des pays tiers, les Comores ne possèdent aucun espace dédié à la culture contemporaine, tenant compte des attentes actuelles du monde de la création. Le territoire, aussi bien dans la partie « indépendante » que dans sa partie « occupée », ne dispose d’aucune politique d’accompagnement digne de ce nom pour ses acteurs culturels. La plupart doivent se bricoler des vies et des parcours, sans moyens, ni soutien public, parfois. Autant de raisons, qui ont poussé Washko Ink., structure de production, et son principal animateur, Soeuf Elbadawi, à imaginer ce lieu, autorisant des auteurs, des artistes, des chercheurs, ainsi que d’autres acteurs de la société civile, à produire, en toute indépendance, des alternatives, en lien étroit notamment avec les habitants d’un quartier populaire de la capitale comorienne, et dans une perspective transdisciplinaire portée par la nécessité et l’urgence du quotidien.
Action hors les murs, médina de Moroni, avec la compagnie Acta de la RéunionComment réinventer le legs culturel de cet archipel situé en mer indianoceane, en tenant compte des réalités de l’habitant de ces îles, et en se projetant dans des formes singulières d’expression culturelle, potentiellement destinées à un public plus large, y compris en dehors du pays ? A quoi sert la culture d’un pays, lorsque le citoyen semble livré à lui-même, subissant les contrecoups d’une crise permanente ? Les Comores sont un pays rongé depuis quarante ans par un fort sentiment d’instabilité politique, économique et sociale, empêchant toute projection au-delà de l’idée de crise. En ouvrant ses portes au public, aux créateurs, aux chercheurs, ainsi qu’à d’autres acteurs du quotidien de l’archipel, au nom d’une utopie citoyenne, le Muzdalifa House est peu à peu devenu le lieu d’une parole de résistance contre le défaitisme et le repli dans un espace insulaire trop longtemps bâillonné.
Lors d’une rencontre au Muzdalifa House sur la question française à MaoreUn lieu de débats et d’échanges, empruntant à des formes multiples d’expression, du théâtre aux arts visuels, en passant par la littérature, le cinéma et la musique, générant des questionnements sur le rôle des sciences humaines et sociales dans le pays. Un lieu d’interrogation de la mémoire, où l’on discute sur l’effacement de la trace et la communauté de destin. Le Muzdalifa House est surtout devenu un laboratoire d’expressions inédites, permettant de perturber l’espace de vie en partage. Du Muzdalifa House s’organisent et se réinventent des manières de faire et d’être pour des centaines et des centaines de citoyens d’archipel, au nom d’une culture agissante. Du Muzdalifa House s’orchestre une dynamique nouvelle de reconquête de l’espace public, se diffusant à travers le pays, dans une confrontation permanente des idées.
C’est le seul lieu du genre, se revendiquant comme tel, dans l’archipel.