Libraire établi aux Comores, Isabelle Mohamed a écrit ce texte, en réaction au colloque, qui se tient, les 19 & 20 mars 2015, au campus universitaire de Dembeni, sur l’île comorienne de Mayotte.
En cette année 2015, la littérature comorienne d’expression française fête ses 30 ans, 32 pour être plus exact, si l’on prend en compte le recueil de nouvelles publié en 1983 par les militants de l’ASEC[1] originaires des quatre îles Comores.
En 1985 paraissait La République des Imberbes de Mohamed Toihiri, premier roman francophone, bientôt suivi de Brûlante est ma terre (1991) d’Abdou Salam Baco puis de La fille du polygame (1992) de Nassur Attoumani. Une belle aventure d’écriture venait ainsi de prendre forme.
Aussi, quelle aubaine que de voir s’organiser en cette année 2015, à Mayotte, le premier colloque universitaire dédié à une littérature francophone jusqu’alors méconnue, ignorée de la critique et des chercheurs.
Pour autant, la vigilance, voire l’inquiétude, reste de mise.
En effet, chacun devra bien comprendre que seule l’organisation de ce colloque à Mayotte, devenue département français – ce que d’aucuns continuent à ne pas reconnaître et ce qui génère une tragédie au quotidien -, vient justifier cet intitulé : « La littérature francophone de Mayotte et des Comores et du Sud-Ouest de l’Océan Indien : production et réception ».
La force du politique étant justement de savoir contaminer toutes les sphères d’une société, on espère donc que les esprits conviés lors de ces rencontres sauront comprendre qu’il ne saurait être question d’autre chose que d’une littérature comorienne nourrie par une même histoire, une même culture et le vécu d’un peuple. On retiendra aussi que les règles du jeu étant faussées, il est normal que certains se trouvent absents et que des auteurs ou des critiques se refusent à cautionner cette approche contestable d’un même imaginaire.
La littérature est trace et expression de l’humanité, il importe qu’elle ne devienne pas un enjeu de plus dans la réécriture de l’Histoire en consacrant une partition privant les uns comme les autres de toute la richesse d’un archipel nourri de l’échange et du voyage depuis des siècles.
Parce que ce serait insupportable et que l’on souhaite garder foi en l’honnêteté intellectuelle.
Isabelle MOHAMED, Libraire.
Mayotte. Mars 2015
[1] Association des Stagiaires et Etudiants Comoriens.
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