Jeux des îles ou jeux d’influence?

Les 9ème JIOI ont commencé ce 1er août 2015 dans le mépris des équipes comoriennes et malgaches conviées. Les autorités françaises ont décidé de fragiliser les équipes de ces pays, en ne délivrant pas les visas d’entrée à la Réunion. En réponse, la délégation comorienne vient de se retirer.

Un cauchemar bien connu en ce monde. Celui des frontières qui se ferment, obligeant les uns à escalader des murs de haine infranchissables, et les autres à vivre dans la peur et le repli. En des temps meilleurs, les Etats se chargent en principe de rendre la situation moins insurmontable. Au nom de la paix entre les peuples, et de la nécessité d’entretenir la relation entre les nations. Il arrive cependant que certains pays, se fondant sur leur toute puissance, usent du droit pour faire des frontières, non pas des lieux de passage, comme l’indique l’étymologie, mais plutôt des lieux d’exclusion, où la violence politique peut s’exercer sur la figure de l’étranger. Il est question alors de mépris et d’arbitraire…

A la Réunion, où devaient se retrouver les nations des îles du Sud Ouest de l’Océan indien, s’est donc joué un énième épisode de ce scénario. La France, pays hôte des 9ème JIOI (Maurice, Seychelles, Madagascar, Comores et La France), s’est amusée à délivrer les visas au compte-goutte pour les sportifs conviés. A Madagascar et aux Comores, des équipes entières se sont vues amputer de leurs membres pour un refus de visa au consulat. L’équipe féminine de football, venue de Moroni, s’est retrouvée sans gardiennes de but, sans parler de ses équipements bloqués à la douane. Al-Watwan, le journal national de l’archipel, a parlé de trois demandes refusées pour ces footballeuses, de trois basketteurs déboutés, de deux judokas, d’un boxeur, du coach des handballeurs…

La liste est longue, et les autorités comoriennes sont remontées face au consulat français. Un problème de visa que tous les acteurs culturels de la région connaissent. L’incident oblige surtout à s’interroger sur l’esprit de fraternité entretenu entre les Etats de la COI. Les Réunionnais vont où ils veulent dans la région. Ils sont chez eux avec leur passeport français à Maurice, aux Seychelles, à Madagascar et aux Comores. La réciproque, elle, n’est jamais vraie. Ce qui génère forcément du désordre dans la relation. Le problème est que la Réunion, qui lorgne sur toute l’économie de la région, profitant des zones de non-droit que la France a érigé dans ces eaux, ne peut ignorer que les lois de ce même Etat français la mettent en mauvaise posture. Car quelle est cette union des îles du Sud-Ouest de l’océan indien où seuls les Réunionnais auraient le droit de circuler chez les autres ?

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Il y a maldonne, bien sûr. Et la France, maîtresse de ces 9ème JIOI, au nom de la Réunion, en profite pour imposer son jeu d’influence politique à tous. Souhaitant, entre autres choses, imposer Mayotte, et, ce, malgré les condamnations internationales, comme partenaire obligé de la COI, elle foule aux pieds les règles édictées par ces mêmes JIOI, en faisant défiler les Mahorais ce 1er août 2015, lors de la cérémonie d’ouverture à Saint-Paul, contre les Comoriens, obligeant ces derniers à quitter le stade. Autrement dit, elle ramène ses enjeux politiques de puissance colonisatrice dans l’arène constituée par des peuples insulaires prétendument frères. Les Réunionnais, les Mauriciens et les Seychellois à leur suite, vont-ils accepter de devenir les jouets d’une puissance tutélaire dont l’influence dans la région finit par provoquer des tragédies comme celle du Visa Balladur et ses 20.000 morts ? La question a déjà été posée au dernier sommet de la COI à Moroni. Mais elle est demeurée sans réponses.

Ce que la France vient de faire à Moroni, à savoir interdire l’entrée à la Réunion aux sportifs conviés par cette même île aux JIOI 2015, au-delà de semer la discorde entre les Etats, exige une mise à plat du projet de la COI. Cette organisation ne peut pas avoir été crée pour servir de « danseuse » à une nation, qui, depuis Paris, édicterait ses règles aux habitants de cet espace régional. Mais que disent les pays frères face à la décision comorienne de se retirer de ces jeux ? En 2007, lorsque le président Sambi s’est opposé aux refoulements de Comoriens, considérés par les lois internationales comme une forme de déportation de population, l’ambassade de France à Moroni a pris toutes les chancelleries européennes en otage dans son conflit. Chargé de délivrer les visas Schengen, elle a pris acte de la décision du président comorien et a fermé ses portes à tout candidat comorien au voyage en Europe. A l’époque, aucun Etat européen n’a réagi. Ni la Réunion, ni Maurice, ni Seychelles, ni Madagascar, non plus. Comme si leur entente au sein de la COI ne pouvait être concernée par les méthodes de domination françaises dans l’archipel.

Le président Sambi n’a pas tenu plus de deux semaines. Aujourd’hui, la France souhaite que Mayotte devienne membre à part entière de ces jeux, et qu’elle renforce en même temps ses positions au sein de la COI. Comme certains ont l’air de croire que les jeux et les chartes de fraternité entre ces îles sont un droit incessible aux intérêts d’une puissance étrangère, la France a trouvé une parade, en bloquant le passage aux frontières des équipes sportives conviées depuis Moroni. Mais que devient la solidarité des frères d’îles dans ce cas ? L’archipel des îles sœurs (Grande Comores, Anjouan, Mohéli et Mayotte) a déjà éclaté grâce aux intrigues françaises. Il reste à présent à faire éclater la fratrie de la COI. Ces derniers jeux sont un signe adressé à quiconque sait lire les présages. Quelle marche à suivre pour sauver la COI du désastre annoncé à la Réunion ? Les prochains JIOI doivent être organisés par Moroni…

MB