Shungu live à Saint-Denis

Festin de mots pour un shungu à Folies d’Encres, ce samedi 10 octobre 2015, à Saint-Denis, en région parisienne. Deux auteurs, un musicien et un public. Marc-Antoine Cyr, du Québec, Soeuf Elbadawi et Fouad Ahmada Tadjiri, des Comores. Fragments en partage d’une parole érigée au nom d’une fratrie en émergence. Il y est question de vivre-ensemble et d’utopie collective, de résistance et d’écriture, de rêve et d’espérance…

MARC-ANTOINE CYR. Ce qu’il dit du shungu ?

J’imagine un rivage. Une fin de nuit. Un phare.

Sur nos embarcations imaginaires, nous voguions en rêvant d’un littoral.

Nous n’étions pas de nulle part, nous savions qui nous étions.

Mais il nous fallait un port, ailleurs. Une marée assez puissante pour nos pensées déferlantes.

Un endroit où arriver s’apparenterait à revenir. Où nos papiers ne seraient pas requis.

Un rivage de sable noir où nous mangerions ensemble sur des nappes bigarrées.

Où nous raconterions nos errances. Compagnons de voyage. Marcheurs, chercheurs, pour qui les racines ne poussent que vers le haut, vers l’avant comme des bras tendus.

Nous étions partis sans secours, sans choix.

Il nous fallait mettre des mots sur nos ressemblances. Parce que c’était trop étroit de rester chacun là-bas, chez soi.

Alors nous étions partis, sans espoir, sans poids. Les rêveurs ont tous les droits.

Parce que nous savions que les autres seraient là, au rendez-vous des accostés.

Prêts à parler, à dire, à écrire, à rapiécer puisqu’il le faut ce monde disloqué.

Nous rêvions de cette plage ouverte, comme une embrassade.

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SOEUF ELBADAWI. Ce qu’il entrevoit dans le shungu ?

Le shungu

c’est ce qui relie dans le cercle

mains tendues entre elles à l’horizontale

après l’épuisement et les désastres sans nom

le shungu c’est ce moment où l’on réapprend à dire oui à l’autre

malgré les fracas la houle le cauchemar des origines et la peur

le shungu c’est lorsque l’homme

petite bête innocente retrouve

une place en nous dans l’espérance

d’un rêve de lune

                               et alors comme le Dieu

                               des grands récits

                               on dira que ce soit

                               yaani kune faya kune

                                                                     et ce sera.

          de fait

          comme ce Dieu des grands récits

          nous commencerons par la parole

          le langage les mots

          un festin de lettres

          pour sceller le shungu

          ce pacte de nos espérances

         en un monde meilleur

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FOUAD AHAMADA TADJIRI. Ce qu’il retient du shungu ?

Shungu. Utopie de cercle. Structure partant de l’idée d’une égalité sans faille et d’un être-ensemble significatif. Résiste encore aux différentes formes de dépossessions en pays de lune. Partir du shungu pour renaître de nos laves. Renaître en fratrie. En famille. Plus unis. Plus forts que jamais.

Le premier shungu  littéraire s’est tenu à Limoges, lors des 32èmes Francophonies en Limousin. Avec des auteurs et artistes suisses, québécois, malgache et comoriens : Julie Gilbert, Jérôme Richer, Marie Fourquet, Marc-Antoine Cyr, Jean-Luc Raharimanana, Soeuf Elbadawi et Fouad Ahamada Tadjiri. Celui de Saint-Denis, sans doute moins imposant en nombre, était prévu avec seulement deux auteurs et un musicien. Mais d’autres rendez-vous sont en projet pour les mois à venir, et, surtout, d’autres questionnements autour de cette quête de l’être-ensemble…

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Plus d’infos sur le shungu, télécharger les suppléments 7 et 4 du Muzdalifa House : Festin de mots pour un shungu ( Supp MH FMS 15 ), avec des textes des auteurs présents au shungu live de Limoges, et Petites histoires de shungu ( Supp MH PHS 15 ), sur l’histoire même de cette aventure shunguesque.

Shungu un festin de lettres, co écrit par Julie Gilbert, Marie Fourquet, Marcelle Dubois, Marc-Antoine Cyr, Raharimanana, Bibish Marie-Louise Mumbu, Papy Maurice Mbwiti et Soeuf Elbadawi, est disponible aux éditions Komedit, à Moroni. A commander sur le net ou en librairie. Lire l’article de Fathate Hassane sur africultures: Un festin de mots pour un shungu-monde.