Réédition de l’excellent Paille-en-queue et vol, premier recueil publié du poète Anssoufouddine Mohamed, aux éditions Komedit. L’enfant de Mirontsy, cardiologue de profession, est connu dans l’archipel pour son action autour de la mémoire et du désir de l’Autre. A lire et à relire.
Un compagnon de route du Muzdalifa, où on l’a surpris, plus d’une fois, en train de relater le mystère d’une terre malmenée par sa propre progéniture. Anssoufouddine Mohamed est de ceux qui pansent les plaies d’un peuple défait. Enfin… défait pour qui le croit. Car l’homme de médecine qu’il est pense toujours que l’espérance se trouve au bout du chemin. Paille-en-queue et vol est une longue prière insufflée aux génies de la mer indianocéane, à l’image de cet oiseau migrateur au souvenir habité par la mémoire des riverains de cette partie du monde.
Extrait d’une préface écrite par ses filles. « Notre père nous disait qu’il est né aux Rivières-Toutes à Anjouan. L’année d’une épidémie de rougeole dont il fut un des rares survivants. Il nous parlait moins de sa vie. Mais beaucoup plus de son pays dont il ne subsistait, nous disait-il, qu’une coque en attente d’occupation. Gastropode.
De Majunga en passant par le Port, Zanzibar, Marseille et jusqu’au Caire il aurait aussi visité les foyers métastatiques du rêve suspendu.
A part qu’il est médecin nous connaissons peu de choses sur sa vie. Seulement, par les rares occasions où nous nous sommes permis un regard indiscret dans son bureau, nous découvrions des bouts de phrases disjointes, des textes inachevés, des vieux poèmes. Tout avait l’air d’un atelier. D’alchimiste en quête de sa pierre »
Fragment 1. « AU TERME DE L’EXIL/ La PARENTHESE S’AUTOPSIE/ CRYPTOGRAME/ LA-BAS LA CAVALCADE DE PENEPLAINES/ SE RAVALENT LATERITES/ A TOUTES LES ETOILES/ DONT SE BERCAIT L’ATOLL ». Il ajoute: « »LE LACIS DE RUELLES/ RAVIVE LES TESSONS/ D’EMANCIPATION PARMI/ NOTRE CHEPTEL DE VIEUX LOUPS/ CHAMAILLEURS D’UNE ETOILE/ D’UNE TOILE INCONNUE ».
Extrait d’une postface signée par Saindoune Ben Ali. « Une plume sans bruits, car la poésie aime toucher silencieusement. Elle est pour ne pas être là où on voudrait l’enfermer. Cette somme poétique se veut une porte alors ouverte sur les lendemains à construire.
Les grands lecteurs de poésie disent toujours que la vraie poésie se passe d’introduction, le poète au plein sens du terme aussi. C’est un autre grand poète, Octavio Paz, qui disait déjà dans une présentation de la poésie de Fernando Pessoa, que les poètes n’ont pas de biographie. L’œuvre se suffit à elle-même. La poésie suivante n’est pas à présenter – c’est la parole de la nuit, qui par les couloirs obscurs, cherchent la lumière du jour. »
Fragment 2. « LES LUNES SE MIRENT EBAHIES/ ZEZAIEMENT/ PARENTELE TOUT AUSSI POLYGYNE/ QUI S’EMBROUILLE JALOUSE/ DE SORABE/ ENCENS ET GARBATY/ ET DE GO SURGIT ZAMA NY ABODO/ DE ROUGE ET DE JAUNE VÊTU/ ON LE DIT ORIGINAIRE/ D’UN PAYS DISPARU CONNAISSEUR ES DIVINATION/ BADRY ET SIKIDY/ ZAMA NY ABODO L’ONCLE APTRIDE ROULE LES YEUX/ SYSTOLE ET DIASTOLE/ IL REANIME LE COEUR DU MAHABO ».
Poésie cardiaque où le verbe arpente, serein, les rives du grand océan, telle une nuée de paille-en-queue au repos, sur un badamier de Volo Volo Market. Dans l’attente d’une mémoire moins embuée parmi les hommes. D’un désir plus ancré dans nos rapport à l’altérité. Au rituel des hommes errants des âmes vagabondes…
S.e.
Entretien de l’auteur avec Anne Bocande sur le site de la revue Africultures : Un pont entre les îles de l’océan indien. Lecture critique du poète Sadani Ntsindami: Autopsie des origines sur le blog nomansland. Entretien avec Soeuf Elbadawi sur le même site d’Africultures : Le poète remue les amas amorphes de la vie.
Paille-en-queue et vol de Anssoufouddine Mohamed, réédition, Komedit, 2015. Autre ouvrage du même paru du même auteur : En jouant au concert des apocryphes, Coelecanthe, 2012.La photo des paille-en-queue à Volo Volo est du photographe Aby Abid. Celle du Dr Anssoufouddine Mohamed appartient au fonds W.I.