La fable des nouveaux arrivants à Maore

Il fut un temps, les « comoriens » des autres îles se rendaient à Mayotte, cette quatrième île de l’archipel des Comores, et y vivaient paisiblement. Depuis 1995 et l’instauration du très controverse visa Balladur, l’entrée dans cette portion de terre, comorienne aux yeux du droit international, est devenue problématique avec pour conséquence des dizaines de milliers de morts, dans le bras de mer séparant Anjouan et Mayotte.

Ceux qui étaient déjà sur place, vivaient en harmonie, avec leurs frères et sœurs « maorais », en toute discrétion. Une discrétion naturelle, propre aux « comoriens », en général, et à sa diaspora, en particulier. Considérés comme des clandestins sur le sol de leurs ancêtres, ils étaient bien accueillis au sein des villes et villages de l’île, où ils travaillaient comme ouvriers, agriculteurs, pêcheurs, femmes de ménage ou encore nounous. Bref, ils occupaient ces métiers que le « mahorais » a laissé pour partir à la Réunion ou en « Métropole », ou tout simplement qu’il n’aime pas exercer, les considérant comme étant trop durs pour lui. Ces « comoriens » étaient appréciés presque partout malgré la politique de haine que la France a cherché à instaurer entre les frères de cet archipel. Certains élus refusaient même la qualification humiliante de « clandestins », préférant plutôt le terme de nouveaux arrivants. Parmi ces « comoriens », beaucoup se sont vus régulariser leurs situations.

Aujourd’hui, une nouvelle génération de « comoriens » des autres îles sont présents et visibles. Il s’agit des enfants de ceux qui se sont installés par le passé ou de franco-comoriens qui quittent l’hexagone pour ce rapprocher du bled. Ils sont médecins, infirmiers, professeurs, élus, fonctionnaires de première zone, cadres dans des sociétés privées ou opérateurs économiques. Beaucoup se trouvent plus exposés que d’ordinaire. Cette « visibilité » advient à ce moment où Mayotte découvre le contrecoup de la crise: un chômage trop élevé par rapport à la moyenne nationale, et un écart entre riches et pauvres très marqué. Ces inégalités entraînent une flambée de la violence sur l’île. Et pour faire diversion, le gouvernement de Paris s’appuie sur ces supposés clandestins pour cacher son incapacité à apporter des réponses aux nombreuses questions posées par cette société mouvante. Nombre de « maorais » sont tombés dans ce piège, par naïveté.

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Désormais, tous les maux qui rongent Mayotte sont attribués aux « comoriens », devenus des bouc-émissaires, à qui on reproche également de chiper le travail du « maorais » et d’être responsable d’une délinquance inquiétante touchant l’île. Une chasse à l’homme est, aujourd’hui, lancée contre ces hommes et femmes, dont le principal crime est d’être « comoriens » et d’habiter sur le sol – rappelons-le – de leurs aïeux. Les grandes victimes de ces agissements, qui font penser à une époque sombre de l’histoire, restent des femmes et des enfants sans défense. En situation régulière pour la plupart, ils se retrouvent dehors, chassés de leurs maisons dans des conditions inhumaines et contraints de dormir à même le sol.

Pourquoi ces personnes sont-elles soudainement considérées comme l’incarnation même du mal ? Serait-ce une haine née du fait de les voir occuper certains rangs de la société ? Cette situation rappellerait celles des musulmans de France. Arrivés pour la reconstruction de ce pays, ils vivaient tranquillement dans leurs ghettos, se contentant de peu. Certains étaient même des citoyens modèles. Avec le temps, leurs enfants ont poursuivi des études, et aspirent, désormais, à des postes de responsabilité. Rendus très « visibles » par l’époque et réclamant leur « dû » à la république, ces musulmans, souvent d’origine maghrébine, sont accusés de tous les maux touchant la France, actuellement. De l’autre côté de l’océan indien, ce « musulman » est le « comorien » des trois autres îles.

Ce qui chagrine le plus, outre le silence des gouvernements français et comorien, c’est surtout l’indifférence de cette élite comorienne, qui, sous prétexte d’être née ou d’avoir grandi à Mayotte, ne souhaite pas « morde la main qui l’a nourri ». Pourtant, rien ne devrait excuser les injustices faites aux « comoriens » à Mayotte. D’autant que la fin ne justifie pas toujours les moyens…

Souef Ouessou