Reprise du focus paru dans le n°3 de Mwezi[1], le magazine d’AB Aviation. Un zoom sur Papa Ke, un autodidacte au savoir-faire éclaté, qui sait surtout faire « feu de tout bois ».
Un personnage haut en couleur, du charisme et un certain sens de la vie. Infirmier, coach sportif, cultivateur, pêcheur ou encore musicien. L’homme a connu ses neuf vies comme les chats, et les a toutes vécues avec passion. De manière incroyable, la plupart du temps. Il a ainsi servi auprès du Mongozi : « Une chance terrible ! Ali Soilihi me considérait comme un fils, m’a pris sous son aile à Mrodjuu, m’a offert une bourse pour Dar Es Salam, d’où je suis revenu avec le grade de lieutenant ».
C’est à Dar justement qu’il attrape sa vocation: « J’y ai vécu trois ans. J’y ai vu des dessins peints sur les murs, tellement réussis que j’ai pensé à des photos. Je me rappelle, j’ai usé de ma salive pour voir si les lignes s’effaceraient. De là cette fascination que j’ai pour la peinture ». Papa Ke – de son vrai nom Ahmed Keldi – n’a pas connu les bancs d’une école d’art : « J’ai appris sur le tas. Un regard, une vision, et beaucoup d’intuition ». Mais lorsqu’il s’inscrit à un concours autour du parc marin de Mwali dans les années 1990, il remporte le premier prix.
Quatre des ses oeuvres sur les murs de l’hôpital à Fomboni.
Il se veut humble : «Il s’agit d’un savoir-faire que j’ai acquis avec le temps. Je ne me sens tributaire d’aucune case. Je m’applique juste à œuvrer dans le sens de la beauté. En pensant à celui ou à celle qui va l’exposer dans son monde ou sa maison ». Papa Ke travaille avec les moyens du bord. Des sacs de basmati ou de jute, du sable ou de l’argile : « Je fais feu de tout bois. Si je vous vois travailler, je me réapproprie la technique. Et je peux fabriquer mon matériau à partir de pas grand’chose. Je peux prendre du charbon et le transformer en matière à peinture ».
Hôtel Dubaï, son atelier. La femme-île, source de grande inspiration.
Papa Ke ne cherche surtout pas à se définir: « J’ai un travail assez éclaté. Peut-être que les critiques sauront nommer mon travail. Moi, je ne peux pas le faire, je n’ai pas les codes». A 61 ans, il se contente de vivre de sa peinture : « Grâce à elle, je n’emprunte pas. Il m’arrive même d’oublier de toucher jusqu’à mon salaire de fonctionnaire ». Ses peintures lui valent des distinctions nationales et régionales. Certaines se retrouvent dans des collections privées en Afrique du Sud.
Soeuf Elbadawi