Zoubs Mars stationne à Mwali

Nouvelle révélation de l’archipel, Zoubdou Mocktar alias Zoubs Mars fait son buzz sur le net. Les mélodies arrachées à sa gratte font de lui l’idole montante d’une jeunesse comorienne avide de hit afro-pop. A seulement 23 ans, il est passé à l’Olympia, puis revenu sur son île, Mwali, avec quelques rêves en poche. Eloge d’un comorian lover.

Bel gosse ! Il le sait et il joue sur cette carte du joli cœur pour foutre le feu parmi ses fans. Dans ses clips, Zoubs Mars montre comment un sourire peut vous projeter un rayon de soleil en musique. Il sait aussi user des tons graves pour chanter ses peines de cœur. Sa palette d’expression se veut énorme, et son public accroche. Conscient de la force des images en cette époque, Zoubs Mars accompagne chacun de ses singles d’une petite vidéo. Les dernières publiées charrient une vision quelque peu idyllique de son Mwali natal. Il veut donner de la visibilité à une île qu’il considère comme très peu connue : « Avant il n’y avait pas beaucoup de personnes qui mettaient ça en avant. Et comme j’ai de la visibilité, je me suis dit que ça serait cool de montrer ce côté-là de Mwali, la nature et tout. Je trouve que l’île est magnifique. Quand tu es ici, tu te rends compte de toute la richesse qu’il y a ». Loin de la rumeur du Moroni qui l’a vu grandir, il se fonde dans la magie de Fomboni pour exister : « Je fais des allers retours à Moroni. Mais je préfère rester ici. C’est paisible ». Zoubs entend à l’avenir défendre encore mieux l’image de cette île.

Image extrait d’un clip.

Alors que sa mère s’est installée à l’autre bout du monde – la Nouvelle Calédonie –  le jeune Zoubs Mars a grandi auprès de son père à Moroni. Un diplomate, misant sur l’éducation, sans plus de considération pour la musique. Une étape difficile pour le garçon, d’autant que le père est lui-même instrumentiste. Zoubs a dû se cacher pour pratiquer sa passion, sortant la guitare du paternel du placard pour y placer quelques notes : « J’avais envie de le faire, même s’il ne le voulait pas. Donc je me cachais ». Avec le recul, Zoubs Mars comprend mieux ses réticences : « Il avait peur que je me perde, en fait.Comme tous les parents, il voulait que je fasse des études. Il voyait que j’étais à fond dans la musique. C’est un peu à l’inverse de ma mère ». Car même avec la distance, Zoubs Mars reste proche de sa mère. « On s’est vu deux fois avec ma mère. C’est un peu cher de venir ici. Mais je peux te dire qu’on est plus proche que ce que j’aurais pensé, grâce à internet. Elle me répète : « faut pas que tu arrêtes de faire de la musique, parce que t’as quelque chose… »

Cette chose, Zoubs la sent vibrer en lui depuis le collège. Elle finit par prendre la forme d’un EP, lorsqu’il arrive au Maroc pour ses études de droit en 2016. « J’y ai fait Mars #03, mon premier. Avec un ami zambien, Abraham Jackson, qui avait un petit studio dans le quartier. En plus, j’étais déjà en lien avec Goulam. Il était en France, mais on a pu faire un son pour mon EP : Risi mine », grâce à la magie d’internet. Zoubs Mars évoque une amitié et un soutien de longue date, en parlant de son complice, Goulam. Ils collaborent ensemble, notamment avec le titre Ferere. Cela se solde par un franc succès.  Zoubs Mars évoque d’autres projets, qui n’ont pas encore vu le jour. Goulam l’inspire :« Il y a aussi son parcours. C’est un artiste qui s’autoproduit. Il compose ses sons lui-même. Et c’est ce que j’ai essayé de faire jusque-là ». Mais Zoubs Mars convainc au-delà de l’archipel, lorsqu’il est choisi par l’artiste Hiro pour assurer une première partie à l’Olympia en février 2020. Une occasion, qu’il a failli manquer pour une sombre histoire de visa que l’ambassade de France aux Comores lui refusait.

Djaraha, le clip réalisé après sa signature avec OnTheMoon.

Un rendez-vous, dont il parle encore : « C’est l’un des moments qui me rendent le plus fier dans mon parcours. Parce que le concours qui était organisé n’était pas national. C’était un concours, je dirais, international, parce qu’il y avait beaucoup d’autres communautés. Et j’ai réussi à gagner grâce au soutien de la mienne [comorienne].Et ça me rend fier de dire que j’ai pu faire l’Olympia ». Il n’en revient toujours pas : « C’était juste énorme. Et avant de monter, t’as un peu le trac, tu vois, ce n’est pas quelque chose que tu fais d’habitude », Zoubs Mars est arrivé en France le jour même du concert, suite aux péripéties du visa. Il n’a eu le temps, ni de se reposer, ni de répéter. Il s’est retrouvé propulsé sur la scène d’une Olympia pleine à craquer. A son retour dans l’archipel, l’artiste signe avec OnTheMoon, un producteur de musique basé à Lyon. Il y voit un avantage certain : « Là, ça change, parce qu’avant c’est moi qui investissait sur les projets. Là, ça sera plus le cas, mais ça met quand même la pression, quelque part ».

OnTheMoon a produit son dernier clip Djaraha, avec une qualité de réalisation que d’aucuns jugent inédite dans le pays. Son ami Goulam s’est même fendu d’un commentaire en ligne : « A tous les niveaux, le travail est admirable ». Ici aussi, les images réalisées font voir Mwali dans sa beauté. La chanson, quant à elle, vient boucler une série de tubes, qui commence avec Tsi para, une déclaration d’amour, chantée sur un îlot à Nioumashua, se poursuit avec Wahadi, mettant en scène le mariage de l’artiste. Puis il y a eu Dhahabu,qui nous noie dans le romantisme du couple, avec ses rites et ses promesses. A seulement cinq ans de parcours dans la profession, Zoubs Mars se félicite de pouvoir joindre les deux bouts grâce à sa musique. Vivre de son art aux Comores relève du défi permanent. En dehors des concerts, le jeune homme de 23 ans défend l’image de la société Telma, dont il est devenu ambassadeur. Une satisfaction pour le père : « Là, aujourd’hui, il comprend et il accepte que je fasse de la musique. Surtout que j’arrive un peu à vivre de ça. Et je pense qu’il est fier de moi. Oui, ça se voit. Il n’y a plus cette tension qu’il y avait avant. Et on échange pas mal… »

Dhahabu.

La musique comme métier ! Une bataille d’époqueZoubs Mars fait partie de cette génération, pour qui la musique déborde du village, passe par la capitale, mais ne s’y arrête pas, parce qu’elle gagne à passer la frontière. Sa fanbase relève d’une géographie éclatée. Sa génération sonne le glas de l’époque où les artistes comoriens étaient scindés en deux. Ceux qui évoluaient en diaspora et ceux qui cheminaient sur place. Ceux qui signaient à l’extérieur et ceux qui s’autoproduisaient au pays. Ceux qui se cherchaient d’autres horizons d’existence et ceux qui étaient tenus par le legs. Leurs publics n’étaient pas toujours les mêmes. En dépit des difficultés rencontrées par l’obtention d’un visa pour une sortie en France, ses amis vivent une époque où le son peut se répandre aisément à travers les réseaux en un rien de temps. Leurs outils aussi ont évolué. Il suffit de quelques clics pour ouvrir sa propre chaîne YouTube. Le maitre mot : la visibilité. Ce qui a joué en la faveur de Zoubs, lorsqu’il s’est fait remarquer par son producteur lyonnais. Ou encore lorsqu’il a été convié par le rappeur Hiro à l’Olympia, grâce à une vidéo postée sur son « Insta ». Zoubs Mars est ainsi la preuve que le monde peut se croquer à domicile. Et ce rêve est au bout des doigts de toute sa génération…

Fouad Ahamada Tadjiri