Deux ou trois petites choses qu’il faut savoir sur les mosquées aux Comores. En partant de la mosquée de vendredi de Moroni, et en en remontant le cours de l’Histoire[1].
Sur un parcours de près d’un kilomètre autour de la baie des boutres. Sur sa face littorale, Moroni arbore une dizaine de petites mosquées d’une élégante facture, toutes de blanc peintes, aux noms prestigieux et légendaires.
Le plus célèbre de ces monuments en pierre, qui signent l’identité arabo islamique de la ville, est la mosquée de vendredi, ainsi nommée parce sa construction fut achevée un jour de vendredi 13, du mois de Djamad Al Akhir, de l’année 830 de l’Hégire, correspondant à l’an 1427 de l’ère chrétienne.
Autrefois appelée « mosquée des gens des Comores », la mosquée de vendredi est l’œuvre d’une lignée de prédicateurs : les nyamaHatwibu. Une famille de réfugiés, qui a fui Mazwini, un ancien bourg du sud-est de Ngazidja, détruit à la fin du XIVème siècle, à la suite d’une guerre locale.



La mosquée de vendredi de Moroni : de réaménagement en réhabilitation…
Plusieurs fois restaurée au cours des siècles, il ne reste plus de l’architecture originelle qu’un recoin de la salle de prière que Moussa Saïd et Sophie Blanchy décrivent en ces termes : « le pan de mur surplombant cette (pièce) basse est soutenue par deux poutres portées par un pilier rond, de facture ancienne. Ces deux poutres sont sculptées d’inscriptions en lettres arabes, parmi lesquelles figure le sceau de Salomon ».
Le minaret a été complètement refait. Le Mihrab, cette niche ovale creusée dans la paroi du mur, orientée vers la Mecque, a été légèrement recentré. Le Mimbar, chaire-escalier en bois, en haut duquel le prédicateur s’adresse aux fidèles, à l’occasion de la prière du vendredi, porte encore sculptées en lettres dorées une citation coranique, qu’on retrouve également sur la plaque de fondation de la mosquée.
Le minaret, le mihrab et le mimbar sont caractéristiques de certaines mosquées comoriennes, dont les plus anciennes seraient celles de Sima et de la mosquée dites des Chiraz à Domoni (mkiri wa shiraz). Elles datent toutes deux du XIème siècle, selon les archéologues, à la suite de l’islamisation de l’archipel.
A Ngazidja, la plupart de ces mosquées d’époque sont plus récentes. Construites entre le XIVème et le XVème. Leur histoire interpelle en revanche. A Bangwakuni, dans le nord de l’île, la légende rapporte que la mosquée a été construite par les djinns en une nuit. Les habitants l’ont surprise, un matin, prête à les accueillir. Elle a été baptisée shiunda. Un self built mosque, diraietn les Anglais.

Mosquée Shiwunda à Bangwa en 1938.
Inspiré du style chirazien, la structure architecturale de ces mosquées est généralement ronde, coupée d’ouvertures en forme de voûte, qui ont profondément influencé le mode de construction des monuments en arcades, actuellement en vogue aux Comores.
La finesse de a décoration intérieure tranche avec la sobriété des façades. Les poutres, portées par des piliers, ronds ou hexagonaux, sont en bois sculpté de symboles magiques, de motifs géométriques en cordées ou encore d’inscriptions religieuses.
Auteur d’une étude sur les monuments des Comores, Sophie Blanchy décrit avce émerveillement le Mihrab de Bandamadji « avec son arc trifolié ». Celui de Djumbe Fumu à Ntsaweni, écrit-elle, est complètement tapissée de blocs de corail, sculptés de motifs floraux géométriques, alternant en ligne avec le motif cordé.
Similitude frappante de cet art sculptural avec celui des villes musulmanes de la côte orientale d’Afrique et de Madagascar du XIIè au XVIè siècle. Preuve attestée par la communauté de traditions, qui unit cette zone du monde, façonnée par le mode de vie et le style chirazien.
Kes
[1] Article initialement publié dans Le Tambour (n°1 : mai 1995).