Uwambushu ? Les enjeux réels ! Le regard d’Abdou Ahmed, un des membres du CSUM (Collectif Stop Uwambushu à Mayotte), organisation issue de la société civile comorienne, en opposition au projet du ministère français de l’intérieur contre les Comoriens des autres îles de l’archipel à Mayotte.
C’est connu, le prédateur a toujours une longueur d’avance sur sa proie. Azali s’est cru malin, en obtenant une promesse d’aide (150 millions d’€), ainsi que le soutien de la France pour son maintien au pouvoir. En échange, il aurait accepté le déplacement forcé d’une partie de la population comorienne, résidant dans l’île comorienne de Mayotte. Azali pensait pouvoir accueillir ces malheureux, sans tambour, ni trompette, et ainsi remplir son contrat vis-à-vis de sa « tutelle française ».
Cet état d’esprit transparaît dans ses dernières déclarations à la presse parisienne, lorsqu’il se demande « pourquoi la France a créé cette opération Uwambushu, au vu et au su de tout le monde », alors que « cela aurait pu être discret et efficace ». Une des réponses probables à sa question est que cette pagaille est prévue depuis la signature de l’accord-cadre le 22/07/2019, afin de le dépouiller du peu de dignité qui lui reste, en lui faisant céder, bien sûr, sur ce qu’il n’avait pas encore accordé, quant à la question de la souveraineté nationale. C’est la motivation principale de l’Etat français. Et c’est gravissime…
Par cette opération, Emmanuel Macron espère contenter les « Maorais », en leur faisant croire que l’Etat français est à leur écoute. Darmanin, voulant montrer qu’il est celui qui défend les « Maorais » à son tour, escompte probablement un « retour sur investissement » en nombre de voix dans un avenir proche, sur un territoire où Marine Le Pen a obtenu près de 60% de voix aux dernières présidentielles. Enfin, et c’est l’essentiel, Macron veut mettre Azali en difficulté avant les prochaines élections présidentielles aux Comores (2024), pour lui arracher sa signature sur ce qu’il rechigne à donner jusqu’ici.

Sachant que la file d’attente de ses concurrents devant l’Elysée ne cesse de s’allonger, Azali finira probablement par vendre son âme, contre la garantie du soutien de la France pour sa réélection en 2024. L’hypothèse la plus plausible est qu’il s’agit d’un dossier d’importance stratégique, militaire et économique, impliquant la question des hydrocarbures, notamment. Les frontières maritimes, dans leur configuration décidée et dessinée par la France, pourraient donc connaître une reconnaissance officielle durant le prochain mandat, si Azali est réélu. Cela ne dit rien des dossiers sur lesquels planche, par ailleurs, la présidence africaine d’Azali, pour laquelle la France a énormément bataillée, semble-t-il.
Face à de tels scandales prévisibles, le manque de réactivité conséquente du peuple comorien peut en perturber plus d’un. Les Comoriens seraient-ils plombés par leur propre imaginaire, sur les questions de « courage » et de « lâcheté » face à l’adversité ? Il est souvent question dans les histoires liées au narratif colonial d’un langage de défection, véhiculé au travers d’expressions telles que hwepva hutrawa, handuza mhara kahwende tranga, mhono mdru yatsodjo shinda huuvundza mndru unuka, haina yalola mdzadze mbaba, etc. Les Anciens disent aussi : mtsaha ungwana kawuwono. Une expression souvent entendue. Mais peut-on ou doit-on réduire le débat à ces vieilles rhétoriques, qui ont plus que prouvé leurs limites, ou déconstruire le legs, pour en forger des éléments de langage, susceptibles de nourrir le combat à venir ?
Pour garder le pouvoir, Azali est prêt à tout, y compris à régner sans pays, sur une population hypothéquée. Et ce ne sont pas ses thuriféraires, sans boussole autre que le profit, qui vont l’en dissuader. Si les Comoriens, de tout bord et de tout niveau social, qui ont le pays chevillé au corps, ne se mettent pas à l’œuvre pour lui faire échec, demain il n’y aura de « Comores » que de nom.
Abdou Ahmed