Le numéro 3 du journal Uropve est sorti. Il parle de citoyenneté, de souveraineté, de Mayotte, de santé, d’éducation, de justice et d’énergie. Un journal qui se refuse aux dynamiques de pouvoir, se réclamant plus largement d’un processus d’éducation populaire à valeur ajoutée. Un journal se voulant surtout étranger aux logiques marchandes. Il n’est ni vendu à la criée, ni distribué en kiosque.
C’est l’histoire d’un concept. « A chacune de nos livraisons, se dégage cette donnée concrète. Nous disposons d’un lecteur réel, bien vivant, curieux de ce que l’on propose. Il est certes fragile, incertain, mais se montre capable d’être perturbé par une alternative aussi peu normée. Uropve ne ressemble à aucune des expériences de presse menée dans l’archipel jusqu’alors » résume Soeuf Elbadawi, un des des initiateurs du projet. « Uropve représente une force, dans la mesure où il n’entre pas dans les cadres classiques de diffusion de l’information dans le pays. C’est pour ça qu’il surprend la plupart des gens. C’est un objet, qui ne relève des mécanismes du profit, ni de la manipulation politique, ni même du snobisme culturel ».
Entre le premier numéro, daté de juillet 2015, et le dernier, sorti en mars 2015, se formalise donc une attente. Celle d’un citoyen qui s’offre le moyen de saisir la complexité de sa réalité. Chaque numéro paru souligne la volonté d’un lectorat capable de ne pas se laisser gagner par la résignation du « fait accompli ». Des hommes et des femmes, soucieux d’améliorer leur grille de lecture face à la crise secouant le pays, s’autorisent ainsi à soutenir l’existence d’un média de référence, permettant de déconstruire les fantasmes et les clichés de la « fable comorienne ». Ils contribuent de façon directe dans la fabrique du support, transformant Uropve en un projet citoyen et solidaire, dont la vocation première, une fois re diffusé sur le net, reste d’être lue par tous les citoyens concernés. Uropve est donc promis à un public plus large.
En juillet prochain, le premier numéro sorti, financé par ses premiers lecteurs, sera en ligne pour tous, gracieusement. Ceux qui l’ont payé auront eu le temps de le partager en circuit fermé, une année durant, avant de le donner à lire à d’autres publics. Les articles sont écrits, en l’occurrence, de manière à pouvoir être partagés, un an plus tard, sans perdre de leur pertinence. Pour la petite histoire, Uropve a commencé avec cent lecteurs confiants. A la sortie du troisième numéro, en mars dernier, le support en était à son 375ème lecteurs. Un succès non négligeable pour un journal, qui n’est, ni vendu en kiosque, ni à la criée, ni diffusé en librairie. Espace ouvert à la pluralité des opinions, mais tenu par une exigence de contenu, Uropve continue à se situer loin des logiques marchandes, grâce à la confiance de ses lecteurs.
Le support a surtout l’avantage de ne pas sombrer dans les querelles partisanes. Le journal se refuse aux dynamiques de pouvoir, et se réclame plus largement d’un processus d’éducation populaire à valeur ajoutée. « Nous cherchons vraiment à contribuer à l’éveil des consciences dans l’archipel. Il s’agit d’un outil d’information dissidente, difficilement étiquetable, ouvert à tous dans son contenu et permettant de comprendre les enjeux immédiats et à venir. Et il n’y pas d’autre ambition que celle-là pour nous ». Uropve aspire ainsi à rassembler des plumes, qui, d’ordinaire, ne se fréquentent pas. Dans le dernier numéro se côtoient des journalistes comme Ahmed Ali Amir, directeur du journal Al-Watwan, ou Ali Moindjie, ancien patron de la rédaction du magazine Al-Albalad, un médecin, Ansoufouddine Mohamed, poète cardiologue, Denetem Touam Bona, un professeur de philo, ou encore Nazir Nazi, une jeune pousse de la presse nationale. Un numéro, dont l’objet est de réfléchir sur un possible état des lieux de l’archipel, à l’heure où les ‘waMasiwa (les îliens) ont perdu la main sur leur destinée. Il y est question de citoyenneté, de souveraineté, de Mayotte, de santé, d’éducation, de justice, d’énergie.
Ce numéro en annonce par ailleurs un autre, celui de juillet prochain, date anniversaire de la première parution d’Uropve. Il portera sur des dossiers aussi chauds que ceux de l’armée, de l’économie, de l’environnement, de la malbouffe, de la culture, de la jeunesse ou de la diaspora. Les numéros de mars et de juillet sont donc l’occasion de faire le point sur les patates chaudes d’un archipel en cours de dislocation. Dans les projections annoncées: une revue pour le mois de novembre 2015, prolongeant la volonté au sein d’Uropve de promouvoir des plumes citoyennes et responsables, et des espaces de débat dans les quatre îles, rassemblant des lecteurs et des auteurs autour des sujets questionnés par le journal. Uropve apparaît à une époque où l’information devient un brouillon organisé « par ceux qui noient l’archipel, tel un boutre sans capitaine, dans les eaux de la géostratégie. Uropve, c’est notre manière à nous de dire que nous sommes encore vivants et lucides. Il appartient à chacun de prendre ses responsabilités face à ce qui se trame dans ces îles. Eveiller les consciences est un premier pas vers le libre choix de chaque individu évoluant sur cette terre, toujours sous séquestre » explique Soeuf Elbadawi.
S. M.
Le PDF du numéro 1 de Uropve est désormais téléchargeable sur notre site, offert gracieusement par ses lecteurs contributeurs, à cette adresse : uropve1. Une manière citoyenne de partager l’info sur les réalités comoriennes. Uropve – qui n’existe pas en kiosque – prolonge un idéal d’utopie collective, largement inspiré du shungu des Anciens.