Uropve, novembre 2016. Le cinquième numéro vient de paraître ! Huit articles qui déconstruisent la machine française en place dans l’archipel. Le journal tord le cou à l’imposture, et ce dès la Une, dont la puissance du regard et la virulence ne laisse aucune place au détour.
Les techniques de manipulation opérées par la France pour asseoir sa domination aux Comores sont ici décortiquées « à la loupe ». Des manœuvres qui prennent différentes formes. L’institutionnelle, lorsque le « premier partenaire » du pays (la France) se débrouille pour rester incontournable dans tous les secteurs, écrasant l’Etat au profit de son économie. « L’Europe dans l’engrenage », article de Kamal’Eddine Saindou, montre comment la France prend les « 27 » en otage dans sa politique néocoloniale, à Moroni comme à Dzaoudzi. L’auteur donne des faits et des chiffres…
« L’ennemi intime », dont parle Abdou Bakari Boina dans le film Uhuru na igabuo, est au cœur du journal. On parle ici de « bourreau ». Non seulement, cet ennemi (« la France tue aux Comores ») maintient l’archipel sous sa botte, mais aussi il tue. Des milliers de morts dans ces eaux comoriennes où viennent pêcher les thoniers européens. Dans ces îles, la France semble venue « pour durer ». « Les chiffres, les années, les stratégies le prouvent » lit-on, dans le texte en ouverture du numéro : « Comme pour un portrait à charge ».
Point de bavardages ! Le journal évoque ces politiques comoriens, qui ont bien appris à s’écraser devant les émissaires de l’Elysée _ La résultante d’un processus de manipulation ancien, fondé sur la terreur et l’intimidation coloniales. « La puissance d’une fable », article signé de Soeuf Elbadawi, pointe « la fabrique de la peur » du doigt, concernant la relation bilatérale, entre la France et les Comores. La violence de l’histoire entre les deux pays nourrit leurs rapports, en profondeur. Assassinat, mercenariat, coup d’Etat, déportation, etc. Même la moindre demande de visa devient un moyen pour la France de maintenir sa position. Pis ! Elle décide de qui a le droit d’entrer ou non dans les autres pays de la communauté européenne.
Ce cinquième numéro de Uropve montre comment la France s’immisce entre les Comores et la communauté internationale, devenant le principal interlocuteur en matière d’aide au développement _ « l’aide fatale », pour reprendre les termes de Dambisa Moyo. Mmadi Mihidjayi, dans son article (« La méthode française à la loupe »), met en lumière la façon dont la France impose sa logique et son expertise, au détriment de l’union des Comores. La reprise des missions de l’Etat par des ONG (et la mise en place de programmes parallèles, avec des résultats catastrophiques) en fait partie. Un cercle vicieux légitime la présence française aux Comores. Qui met à profit les compétences citoyennes, confondant les parties comoriennes avec ceux-là mêmes qui les fragilisent. Ce qui n’étonne guère quand on voit la capacité française à se travestir en partenaire, en amie, d’un même pays tenu en laisse.
Ali Soulé, dans son article traitant de Moroni Terminal (filiale de Bolloré Africa Logistics), déconstruit le mécanisme de fonctionnement d’une entreprise française, localement soutenue par les locataires de la « Place de Strasbourg »[1]. Le clientélisme, la corruption, la manipulation, la perversité des relations, sont autant de formes qu’emprunte Moroni Terminal pour garder son contrôle sur le port de Moroni. Ce numéro de Uropve met à nu les pratiques, les abus et les limites d’une relation post coloniale. Huit articles qui ne posent en réalité qu’une seule question : celle d’un processus de décolonisation inachevée. A celui qui chante l’amitié France-Comores, la traversée de ce numéro paraîtra longue et mouvementée…
Fouad Ahamada Tadjiri
[1] Ambassade de France à Moroni.
Le PDF du numéro #1 de Uropve est téléchargeable sur notre site, offert gracieusement par ses lecteurs contributeurs, à cette adresse : uropve1. Une manière citoyenne de partager l’info sur les réalités comoriennes. Uropve – qui n’existe pas en kiosque – prolonge un idéal d’utopie collective largement inspiré du shungu des Anciens.